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proclamer la bonté naturelle de l’homme ? O Massillon ! vous qui, quelque part avez si durement parlé de ce grand et noble Spinosa[1] que ne le lisiez-vous, « ce monstre, » comme vous l’appelez, et que ne méditiez-vous, comme vous les nommez, ses « ouvrages de confusion et de ténèbres ! » Vous auriez appris de lui deux choses, deux choses éternellement vraies, l’une que « ce sont les passions seules qui gouvernent la foule, livrée sans résistance à tous les vices[2] » car là-dessus le juif d’Amsterdam ne diffère pas d’opinion d’avec les solitaires de Port-Royal, et l’autre qu’il n’y a pas de métaphysique sans morale, mais surtout pas de morale sans métaphysique, et que sous le nom d’éthique, elles se pénètrent, se confondent et se soutiennent l’une l’autre.

Je ne voudrais pas exagérer l’importance des passages que je viens d’extraire. Évidemment ce serait aller trop loin, beaucoup trop loin que de prétendre qu’ils forment le fond et la substance de la doctrine de Massillon. Ce serait comme si nous abusions des imprudences qu’il commet dans son sermon sur l’aumône, pour rapprocher ses théories de celles de l’auteur du Discours sur l’inégalité des conditions et du Contrat social. Il est certain qu’il dit en propres termes, « que tous les biens appartenaient originairement à tous les hommes en commun, et que la simple nature ne connaissait ni de propriété ni de partage. » Il est certain qu’il dit en propres termes, que pour éviter les discussions et les troubles, le commun consentement des peuples établit que les plus sages, les plus intègres, les plus miséricordieux seraient les plus opulens. » Il est certain qu’il dit en propres termes « que les riches furent ainsi établis par la nature même comme les tuteurs des malheureux, et que ce qu’ils eurent de trop ne fut plus que l’héritage de leurs frères confié à leurs soins et à leur équité. » Mais il est certain aussi que ce n’est là pour lui qu’une thèse toute spéculative, ou du moins qu’une sanction d’antiquité qu’il veut donner à l’obligation chrétienne de l’aumône. Il est certain qu’il n’en déduira pas d’application prochaine et qu’il ne donnera pas au pauvre de recours ou d’action contre le riche. Il est certain enfin que de telles paroles doivent être corrigées par une connaissance précise des tempéramens et des restrictions que l’ensemble de sa doctrine y apporte. Et ainsi, répétons-le, des passages que nous avons cités plus haut. Je ne crois pas qu’ils constituent la doctrine de Massillon.

Mais enfin, ils sont dans les Sermons de Massillon, dans les sermons qu’il a revus, corrigés, recopiés à loisir : ils sont

  1. , Des doutes sur la religion.
  2. Spinosa, Traité théologico-politique, ch. XVII.