recourir à saint Augustin, non plus qu’à tout autre Père. Il ne met son sermon que sous la seule autorité de l’Écriture ; il ne sent pas, à ce qu’on dirait, qu’il puisse y avoir un danger dans sa parabole ; ou plutôt la preuve qu’il ne le sent pas, c’est qu’il y donne. Il prend son texte et le développe, comme à son ordinaire, par énumération. Homo quidam erat dives. Voilà le premier crime du riche et le premier signe de sa réprobation. Il était riche. « Il était né heureux. » Et il insiste. On ne nous dit pas dans l’Évangile que ce riche eût mal acquis son bien, par des moyens injustes, ni même qu’il l’eût recueilli comme « une succession d’iniquité. » Il était vêtu — non pas même superbement — mais de pourpre et de lin ; d’ailleurs on ne nous dit pas qu’il « passât en cela les bornes de son rang et de sa naissance. » Il se traitait bien ; mais on ne nous dit pas qu’il allât dans aucun excès ni seulement qu’il manquât « à l’observance des jeûnes ; » mieux que cela : puisqu’il semble que ce fût un « observateur fidèle des traditions de ses pères. » Enfin, s’il faut achever le détail de son crime, « il ne se servait pas de ses biens pour corrompre l’innocence ; le lit de son prochain était pour lui inviolable, la réputation d’autrui ne l’avait jamais trouvé envieux ni mordant ;… c’était un homme menant une vie douce et tranquille, essentiel sur la probité, réglé dans ses mœurs, vivant sans reproche. » Et c’est pour cela qu’il fut enseveli dans l’enfer !
Je dis qu’il oublie tout simplement que, pour vouloir trop prouver, c’est comme si l’on ne prouvait rien, que passer le but, c’est une manière de le manquer, et qu’encore un pas, il va perdre la confiance de son auditoire. « Vous avez entendu parler de Judas, mon cher auditeur, le nom de ce traître n’est jamais venu frapper vos oreilles qu’avec de nouvelles horreurs, mais votre rechute après les gémissemens de la pénitence me paraît bien plus noire[1]. » Non ! je ne l’en crois pas. Ainsi que la vertu, le vice a ses degrés. Ce prédicateur surfait la morale, et il faut contrôler ses leçons. Oui ! quand il me dit qu’il y a dans les maximes de l’Évangile « une noblesse et élévation où les cœurs vils et rampans ne sauraient atteindre, » je consens encore à le suivre jusque-là ; mais quand il ajoute aussitôt « que la religion qui fait les grandes âmes ne paraît faite que pour elles[2], » je prends un commencement d’inquiétude et je sens, qu’il se jette hors de la mesure. Entre les « cœurs vils et rampans » d’une part, et les « grandes âmes » de l’autre, que va-devenir cette humanité moyenne pour qui, précisément, la religion est un frein, ou un secours, ou une consolation, ou une espérance ? Ailleurs encore, quand il s’adresse aux grands pour leur dire : « Un seul de vos crimes entraîne plus de