Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/963

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

distribués à d’autres misères, c’est l’histoire de toute la vie de saint Martin. Il avait d’ailleurs toutes les vertus qu’enfante la charité. Il avait la douceur, il avait la modestie, il avait l’humilité, il avait la tolérance. Quelle preuve plus éclatante de cette dernière vertu que son intervention en faveur de Priscillien et de ses disciples ? Condamnés par les conciles de Saragosse et de Bordeaux, Priscillien et les principaux sectateurs de son hérésie n’avaient pas craint d’en appeler à l’empereur Maxime ; c’était faire du pouvoir civil l’arbitre des décisions religieuses. Cependant les plus violons adversaires de Priscillien, Itace et Idace, deux évêques espagnols, avaient accepté l’appel, et, oublieux de leur caractère sacré, poursuivaient auprès de l’empereur non-seulement la condamnation de l’hérésie, mais aussi la condamnation à mort des sectaires. Martin prend en main la cause des accusés, et obtient de haute lutte le salut de ceux qu’on veut faire périr. Mais, à peine éloigné de Trêves et de la cour impériale, il apprend que le faible empereur, cédant aux instances des Espagnols, ses compatriotes d’origine, a permis l’exécution de Priscillien et des principaux hérésiarques ; il apprend que des tribunaux armés de pouvoirs sans bornes vont rechercher dans toute l’Espagne ceux qui ont trempé dans l’hérésie, les dépouiller de leurs biens et leur faire subir le dernier supplice : Martin revient à Trêves en toute hâte, et cette fois sans retour, il a la joie et la gloire d’arracher des milliers d’êtres humains à la plus horrible persécution. N’est-ce pas là, si on songe surtout à la barbarie du ivc siècle, un trait vraiment admirable ?

On comprend aisément qu’un historien soit tenté de peindre cette grande figure. M. Lecoy de la Marche lui a donné l’ampleur de proportions qu’elle mérite. Il a traité son vaste sujet non pas seulement en érudit plein de conscience, mais en artiste plein d’enthousiasme. Il a eu de plus la rare fortune d’associer à son œuvre M. Luc-Olivier Merson et de pouvoir confier le soin de la faire connaître à la maison Marne. Un tel concours ne pouvait produire une œuvre médiocre.


AUBRY-VITET.



Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés on fac-similés, avec transcription littorale, traduction française, préface et table méthodique, par M. Ch. Ravaisson-Molliun, 4 vol. in-f° ; Quantin.


Ce magnifique et curieux volume, dont le seul aspect déclare la patience, l’érudition, le dévoûment à la science de l’éditeur, M. Ch.