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un des chefs et des guides de son pays dans les jours heureux et dans les jours troublés. Elle avait partagé ses succès et ses épreuves. Elle avait accompagné M. Thiers en 1870 dans cette course désolée qu’il faisait à travers l’Europe pour chercher des alliés à la France. Elle avait été pour lui la compagne de toutes les heures à la présidence. Depuis la mort de M. Thiers, elle s’était enveloppée dans son deuil et elle avait noblement dévoué son veuvage à rassembler tous ces discours qui sont l’expression d’une grande carrière publique, qui sont de vrais monumens de sagesse, de savoir, d’esprit, d’expérience. Mme Thiers, en digne femme de l’homme illustre dont elle a porté le nom, a rendu avant de mourir le meilleur service qu’elle pût rendre en recueillant, en léguant à tous ces pages où les politiques du moment peuvent aller chercher des leçons séduisantes de bon sens, de modération et de patriotisme.


Cn. DE MAZADE.



ESSAIS ET NOTICES

Saint Martin, par Lecoy de la Marche, Tours, 1880 ; Marne.


« Martin est le patron spécial du monde entier, » a dit Grégoire de Tours. En rappelant ce mot du chroniqueur, M. Lecoy de la Marche n’a point cédé à l’amour-propre d’un auteur épris de son sujet. Entre tous les noms que l’église propose au respect et à l’imitation des fidèles, le nom de saint Martin est un de ceux qu’à travers tous les âges et dans toutes les parties du monde a le plus constamment entouré la vénération universelle. Et cependant, Martin n’est pas un martyr. Il n’a pas versé son sang pour l’Évangile ; il n’a même pas souffert la persécution. D’où vient donc à saint Martin son auréole ? De la pratique d’une vertu par excellence, d’une vertu que le christianisme a donnée au monde et qui semble avoir trouvé en Martin sa vivante incarnation : la charité. L’épisode du manteau partagé par un froid rigoureux avec un pauvre grelottant, alors que déjà les autres vêtemens de celui qui n’était encore qu’un soldat romain avaient été