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plus ni moins, et les alarmes sont vaines. Soit, rien ne sera changé ; mais alors à quoi bon soulever tous ces problèmes et se donner l’air de prendre pour sujet d’expérience l’âme délicate des jeunes filles ? Pourquoi ces arrogantes prétentions réformatrices et ces suppressions bruyantes d’une instruction religieuse qui n’a pas empêché jusqu’ici, que nous sachions, les femmes de notre pays n’être parmi les plus éclairées, les plus spirituelles, les plus sensées, et de donner à la civilisation française une partie de son caractère et de son génie ? Croit-on qu’on aurait bien servi la France et sa grandeur morale et son influence dans le monde, si on réussissait à créer une génération de femmes « scientifiques » et raisonneuses, allant pérorer dans les conférences, en province comme à Paris, sur l’émancipation de leur sexe ?

Le malheur dans tout cela, dans l’enseignement comme dans toutes les affaires qui se succèdent, le malheur est que ceux qui sont les maîtres du jour semblent beaucoup moins préoccupés de préparer, de réaliser des réformes sérieuses que d’employer tous les moyens, toute l’autorité de l’état, toutes les ressources dont ils disposent, à se créer une France à eux. C’est, un mouvement curieux à suivre depuis deux ou trois ans ; il s’étend à tout et partout apparaît cette passion de parti et de secte, cet esprit de domination exclusive qui n’a rien de nouveau sans doute, qui s’est manifesté au courant de notre histoire sous des formes différentes et qui a compromis plus d’un régime, à commencer par la république elle-même. Et à quoi aboutit-on ? Évidemment il n’y a aucun péril immédiat et criant. La France, dans son ensemble, ne cesse pas d’être paisible, et elle assiste même, avec assez d’indifférence, à toutes ces agitations superficielles dont on lui offre par instans le spectacle, qui l’étonnent quelquefois sans l’émouvoir et auxquelles, dans tous les cas, elle reste étrangère. Oui, sans doute, on a raison de le dire, l’ordre matériel n’est ni troublé ni menacé. Il n’est pas moins vrai qu’il y a un certain malaise croissant, mal défiai, et que, si l’opinion n’est pas arrivée à une inquiétude décidée, elle se sent assez souvent prise d’impatience en voyant ceux qui la représentent ou qui la gouvernent touchera tout, aux finances comme à la magistrature, à l’armée comme à l’enseignement ou aux affaires religieuses, pour ne réussir qu’à mettre tout en doute. Ce sentiment peut être plus ou moins vif, il peut ne pas se manifester toujours de là même manière ; il est à peu près universels et il y a mieux, il existe même chez ceux qui ont le pouvoir et l’influence dans le parti dominant. Les chefs du parti ont beau se déclarer satisfaits en se regardant dans leurs œuvres et se répéter complaisamment à eux-mêmes qu’ils sont la nation ; ils ont beau se dire que chambre, gouvernement, majorité, sont dans la « voie sûre, » que par eux la république vit et prospère, c’est un optimisme plus apparent que réel. On sent, à travers tout, ce qu’il y a de peu normal, de peu sûr et