était autorisé récemment à s’élever avec une si grande vivacité contre ceux qu’il accusait de vouloir s’emparer des consciences et des esprits dans l’intérêt d’une religion d’état : il fait exactement la même chose dans un autre sens.
C’est à coup sûr une expérience singulièrement grave. Qu’est-ce donc lorsque ces nouvelles théories, ces nouveaux systèmes d’éducation doivent être appliqués à des jeunes filles ? Une loi a été en effet présentée ; elle n’émane pas précisément de l’initiative du gouvernement, mais elle a été acceptée et soutenue par lui jusqu’au bout. Elle a été adoptée par la chambre des députés, elle vient ces jours derniers d’être votée par le sénat, non cependant sans de vives et éloquentes contestations. Il s’agit de créer des lycées, des écoles d’enseignement secondaire pour les filles, et là aussi, bien entendu, l’idée laïque a triomphé ! L’instruction religieuse n’est pas absolument exclue, elle ne fait plus partie de l’enseignement proprement dit, elle reste facultative. L’instruction morale est seule maintenue dans le programme des cours. Quelle sera cependant cette instruction morale ? Voilà la question qui s’élève aussitôt : elle a été discutée avec autant de fermeté que d’éclat par M. le duc de Broglie, qui, à vrai dire, ne voyait pas bien la nécessité de conserver une instruction morale dégagée de toute idée religieuse, et le fait est qu’avec cette séparation on entre un peu dans l’inconnu. Quand l’instruction morale se confond avec l’idée religieuse, chrétienne, on sait ce que c’est ; quand elle en est séparée, elle ne cesse pas d’exister sans doute, elle reste du moins livrée à toutes les interprétations. A quelle philosophie se rattachera-t-elle ? où commence d’ailleurs et où finit la morale ? dans quelles limites devront se renfermer les professeurs ? pourront-ils enseignera des jeunes filles les bienfaits de la morale indépendante ou du mariage civil séparé du mariage religieux ? à quel point fixe s’arrêtera-t-on dans le domaine infini des spéculations de l’intelligence ?
Ce sont des chimères, dira-t-on, ce sont des doutes suscités pour jeter la suspicion sur l’enseignement nouveau. Il ne s’agit ni de troubler l’esprit des enfans, ni d’inventer une morale nouvelle, ni même de faire revivre, les idées de Zoroastre et de Confucius, pour lesquelles M. Paul Bert paraîtrait avoir des préférences. Les programmes sont connus, ils respectent toutes les grandes notions de spiritualisme. L’Université, — qui n’est pas aussi généralement convertie au positivisme que le pense M. Gambetta, — l’Université a les doctrines les plus généreuses, et pour preuve M. le président du conseil n’a eu qu’à citer l’autre jour, devant le sénat, une page éloquente d’un jeune professeur d’un lycée de Paris, M. Marion. L’enseignement restera ce qu’il a été jusqu’ici, prudent et respectueux pour l’enfance. Ce qui se faisait hier se fera encore demain dans les nouveaux lycées. Il n’en sera après tout ni