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ralentissement progressif des exportations est le signe. Elle reste, de plus, singulièrement engagée dans ses finances, dans son crédit. Est-il prudent d’ajouter sans cesse à ces engagemens, d’inscrire chaque année 50, 60 millions de plus au budget ordinaire des dépenses publiques ? Le courant est irrésistible. Un jour il faut améliorer le traitement des fonctionnaires ; un autre jour on veut augmenter les dotations de l’enseignement à tous les degrés, sous toutes les formes. L’idée de populariser la république par un vaste système de travaux s’est produite, et l’on n’a trouvé rien de mieux que de rouvrir le grand-livre, on a imaginé le budget de l’emprunt qui est évalué pour le prochain exercice à 450 millions, sans compter les arriérés de la réorganisation militaire auxquels il faudra faire face. De toutes parts, on touche à l’excès et si l’on réunissait tout ce que la France a de dépenses obligatoires, on trouverait que les charges qui pèsent sur l’état, sur les départemens, sur les communes s’élèvent au moins à 4 milliards. C’est beaucoup, c’est déjà trop, et s’il surgissait quelque circonstance décisive qui obligeât la France à ne consulter que sa sûreté, sa dignité, est-on bien sûr qu’on n’aurait pas d’avance paralysé un des plus puissans instrumens de défense nationale ? Tout cela, à y bien réfléchir, est dans le budget, dans la situation financière et aurait valu la peine d’être examiné, d’être serré de plus près au lieu d’être tout au plus effleuré dans une discussion de fin d’année à laquelle on s’est hâté de couper court. On ne prend pas garde qu’à procéder comme on le fait, avec une précipitation peu prévoyante, on risque de compromettre cette richesse, ce crédit dont on se prévaut. On ne gouverne pas la prospérité, on en abuse, et ce qu’il y a d’aussi dangereux que tout le reste, c’est d’introduire l’esprit de parti dans le maniement des finances, de mêler à une affaire de budget des passions et des représailles, des préoccupations de circonstance, ainsi qu’on vient de le voir ces jours derniers encore devant la chambre des députés.

Qu’est-il arrivé en effet ? Il y avait vraiment longtemps qu’on ne s’était occupé des ordres religieux pour les pulvériser une fois de plus, et un des membres de la commission du budget, M. Henri Brisson, n’a pas voulu laisser croire qu’il y eût une trêve même momentanée. Il s’est fait le promoteur de tout un ensemble de dispositions destinées à envelopper les congrégations dans un réseau de fiscalité. M. le président de la commission du budget a saisi l’occasion de prononcer un réquisitoire aussi âpre, aussi passionné qu’habile contre la main-morte, contre les associations religieuses plus ou moins déguisées sous le nom et sous la forme de sociétés civiles. Que la propriété de main-morte se soit singulièrement développée depuis trente ans surtout, que cette extension même soit de nature à attirer l’attention des esprits politique, à devenir un objet d’examen, de considération sérieuse, nous ne