Autrefois, il y a déjà bien des années, et depuis bien des révolutions ont passé, un ministre aussi ferme que sage, le baron Louis, disait qu’en fait de finances, s’il était difficile de gouverner l’adversité, il était peut-être plus difficile encore de gouverner l’abondance, la prospérité. Ce qui est vrai des finances ne l’est pas moins de la politique tout entière, et ce mot d’un habile homme, qui avait eu un rôle dans deux des plus grandes crises de notre histoire, au lendemain de la restauration et au lendemain de 1830, ce mot de l’expérience prévoyante n’est point sans à-propos aujourd’hui. Il mérite d’être rappelé aux infatués, aux présomptueux, qui seraient tentés de mésuser du succès, à ceux qui ne comprendraient pas assez qu’entre toutes les affaires dont ils ont la direction et la responsabilité, l’administration financière d’une grande nation est une des plus compliquées, une des plus délicates.
Oui, assurément, le baron Louis avait raison : l’abondance a ses difficultés en même temps que ses séductions. Et d’abord, la première condition pour gouverner cette abondance, qui règne visiblement aujourd’hui dans les finances françaises, ce serait de savoir se défendre des illusions, de ne point abuser de la fortune, de commencer par mettre les pouvoirs publics en mesure d’exercer leurs droits, de contrôler, de discuter utilement tout ce qui constitue l’état économique du pays. Or que se passe-t-il depuis quelques années ? qu’en est-il de cette partie de l’administration nationale, au milieu des incidens et des conflits qui se succèdent ? Il y a deux questions : il y a une question de forme, de procédé, et il y a la question financière elle-même considérée dans ses