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le ministère de l’instruction publique, en 1876, d’une mission en Russie et dans l’Asie centrale. Mme de Ujfalvy n’hésita pas à le suivre, et c’est la partie pittoresque, anecdotique du voyage que ce gros volume, largement illustré, nous raconte.

Les traits de mœurs et les historiettes abondent. Nous en citerons une qui nous a paru d’un goût tout à fait russe : « Un beau jour d’été, le général Kauffmann, gouverneur-général du Turkestan, recevait à dîner un grand nombre d’officiers de retour d’une expédition dans l’Alaï, aux environs du Pamir. On avait eu soin de donner à la montagne la plus élevée de la contrée nouvellement explorée le nom de Pic Kauffmann. On dînait en plein air, et les convives pouvaient rester couverts. Au potage, le général s’adressant à un jeune colonel du génie, lui dit : « Avez-vous rencontré des montagnes bien hautes dans l’Alaï ? — Oui, Votre Haute Excellence. — Quelle est la montagne la plus élevée ? demanda le général. — Le pic de Votre Haute Excellence, » réplique l’officier, debout, la main droite à son képi, la main gauche sur la couture de son pantalon. Au relevé du potage, le général s’adresse de nouveau au colonel : « Ces montagnes sont-elles en réalité si hautes ? — Oui, Votre Haute Excellence, — Où sont celles qui sont le mieux situées ? — Autour du pic de Votre Haute Excellence, » répondit l’officier en se levant et saluant de nouveau. Au rôti, le général lui demanda pour la troisième fois : a Avez-vous vu beaucoup de neige dans la vallée de l’Alaï ? — Oui, Votre Haute Excellence. — Où avez-vous vu le plus de neige ? — Sur le pic de Votre Haute Excellence, « répondit l’officier toujours en se levant et dans l’attitude militaire. » Beaucoup de lecteurs trouveront peut-être que l’anecdote n’est pas si russe ; en effet, à mesure que nous la transcrivons, il nous semble qu’elle pourrait bien être un peu de tous les temps et de tous les pays.

Il serait superflu d’insister longuement sur l’intérêt du voyage en lui-même. Le bruit qui se fait depuis déjà quelques années autour des contrées de l’Asie centrale, du Turkestan, du Ferganah, du Kouldja suffirait à donner le désir de lire ce livre, agréablement écrit d’ailleurs et vivement mené. Donnera-t-il à beaucoup de Français, selon le vœu de l’auteur, le désir aussi « de visiter l’Asie centrale ? » Je les avertis au moins qu’ils trouveront à Tachkend un restaurant français, tenu par un Français qui maintient là-bas la réputation culinaire de la France à l’étranger.


La Hollande à vol d’oiseau, eaux-fortes et fusains, par M. Maxime Lalanne, 1 vol, in-4o ; Decaux et Quantin.

Revenons en Europe avec le livre de M. Henry Havard, la Hollande à vol d’oiseau, il nous suffit d’avoir nommé l’auteur pour avoir dès lors suffit d’avoir nommé l’auteur pour avoir dès lors