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l’idéal et la poésie qu’il s’agit d’attacher à la vie de telle façon qu’il ne soit plus tenté pour des motifs futiles de mourir atout propos. » Impossible de caractériser d’un trait plus fin l’essence du personnage impondérable créé par Shakspeare. Prospero mort, comment Ariel subsistera-t-il, lui si incapable de lutter contre les nécessités de la vie ? Ce souci tourmente le vieux magicien, qui, se sentant finir, se retourne vers Caliban, devenu chef de l’état, et lui demande pour Ariel une sinécure, «  la garde du château de Sermione, qui n’a aucune importance pour la république de Milan et qui suffira très amplement à ses besoins. » Quoi de plus délicat, de mieux observé que ce mouvement où se trahit chez M. Renan une infinie charité pour les poètes ses semblables ! N’était-il pas écrit : Aimez-vous les uns les autres ? Et dire que cette musique, cette philosophie, cette politique, tout cela était dans la Tempête de Shakspeare, sans compter bien d’autre belles choses que les artistes et les penseurs de l’avenir y découvriront encore !


F. DE LAGENEVAIS.