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C’était pourtant quelqu’un que l’auteur du roman de Marie et du poème des Bretons, ce Brizeux, dont le nom semble aujourd’hui si complètement oublié ; ses volumes se vendaient assez ; quand il disait des vers, même après Musset, après Vigny, on l’écoutait. Sainte-Beuve, le fameux dispensateur des grades et récompenses, ne l’avait-il pas de son autorité privée nommé fifre dans cette légion sacrée où Victor Hugo servait en qualité d’officier supérieur et que Lamartine commandait en chef ? Neiges d’antan, qu’êtes-vous devenues ?


Qu’a fait le vent du nord des cendres de César ?


Le temps a de ces variations, de ces caprices et de ces ingratitudes auxquelles nos mauvais instincts aident bien un peu. Tel gracieux talent qui naguère jouissait discrètement de sa part de notoriété. Voilà que tout à coup l’ombre se fait autour de lui et qu’on n’en parle plus. C’est presque à se demander s’il n’y aurait pas dans cette éclipse soudaine de certaines étoiles de moyenne grandeur quelque chose de tacitement concerté chez la génération de l’âge suivant. Parmi les innombrables lucioles en train de tournoyer pour le moment, combien ont emprunté leur brin de phosphore à la lanterne de Brizeux et ne se soucient pas qu’on le sache ! Tuer ceux dont on hérite est en littérature un axiome de droit commun. Pour ce qui regarde les forts, ils se défendent ; on ne supprime pas si aisément un Victor Hugo, un Lamartine ; restent les moindres, et c’est généralement sur eux qu’on