de tout ce qui se trame dans les deux camps, elle peut, par un mot aimable, prévenir une défection, décider un irrésolu, détacher des rangs ennemis un débutant inexpérimenté. La peinture de ces salons politiques et l’esquisse de leur rôle sont un des côtés amusans du livre de lord Beaconsfield. En face du salon de la duchesse Zénobie, toute dévouée à la défense des droite de l’église et de la couronne, nous avons le salon libéral de la comtesse de Montfort. Lady Roehampton et lady Beaumaris élèvent autel contre autel et se disputent les aspirans à la vie politique, sans cesser de se voir l’une l’autre et de s’aimer. C’est dans ces salons que se préparent les campagnes parlementaires, que se recrutent les voix, que se distribuent les portefeuilles et que se partagent les sièges électoraux.
Ces relations de tous les jours entre gens du même monde, presque tous possesseurs d’une grande fortune et par suite presque indifférens aux avantages pécuniaires des situations officielles, expliquent pourquoi les rapports réciproques des chefs de parti étaient empreints d’une loyauté constante et même d’une cordialité qui surprend quelquefois. Comment n’être point mesuré dans son langage, comment manquer de courtoisie vis-à-vis d’un adversaire, lorsqu’après chaque passe d’armes on peut se rencontrer dans le même salon, autour de la même table à thé ? Ces traditions courtoises subsistent encore dans le monde politique chez nos voisins ; elles s’y perpétueront tant que l’aristocratie y conservera une influence considérable et continuera de transformer et d’absorber les hommes que le mérite élève aux positions officielles ; néanmoins il est impossible de ne pas voir déjà qu’elles vont s’affaiblissant, que les dissidences sont plus graves et plus profondes, et que les rapports se refroidissent à mesure que le cercle des idées communes se rétrécit.
Cette transformation lente, mais incontestable, du monde politique anglais a pour point de départ le bill de réforme de 1832. L’auteur d’Endymion nous fait mesurer la brèche que cette mesure a faite dans le monopole de l’aristocratie terrienne. C’est par cette brèche que les premiers représentans des classes moyennes pénètrent dans le parlement et arrivent à jouer un rôle, Nous voyons entrer à la chambre des communes un simple fils de fermier, devenu manufacturier, Job Thornberry, qui est élu par une grande ville, et qui vient professer ouvertement des opinions radicales ; non-seulement Thornberry est élu député, mais comme il est plein de savoir et qu’il est éloquent, il acquiert sur les autres députés des classes moyennes une influence qui oblige à compter avec lui ; un ministère libéral lui fait une place dans ses rangs, et le