profondément l’église anglicane, qui se convertit au catholicisme en entraînant après lui une partie de son troupeau, qui devient archevêque de Westminster et cardinal de l’église romaine ? Nigel réunit la science et la puissance oratoire de Newman, l’onction persuasive d’Oakeley, le ferme vouloir et l’esprit de gouvernement de Manning. Lequel de ces trois noms substituer au sien ? Nigel n’est-il pas simplement ce qu’on pourrait appeler un personnage représentatif, c’est-à-dire la personnification dans un seul homme de ce grand mouvement religieux qui a déchiré l’église anglicane et conduit tant d’hommes éminens à sacrifier des positions élevées pour chercher dans le catholicisme le terme de leurs doutes et le repos de leur conscience ?
Ne devrons-nous pas en dire autant du romancier-journaliste Sainte-Barbe ? La malignité littéraire, — il n’y a que les gens de lettres pour avoir de ces cruautés, — veut absolument retrouver dans ce romancier, toujours mécontent de son sort et toujours envieux des succès d’autrui, l’auteur de Vanity Fair et de Pendennis, à qui lord Beaconsfield ferait expier, au bout de trente-six ans, le tort d’avoir publié dans le Punch une parodie de Coningsby. Ne croyons point à des rancunes couvées aussi longtemps. Lord Beaconsfield est plus prompt à la riposte : il l’a prouvé depuis longtemps à des adversaires plus redoutables que le pauvre Thackeray. Il ne peut déplaire à un auteur avisé d’être parodié ; la parodie est la consécration du succès. Toute l’Angleterre a lu Coningsby : combien est-il de gens qui se doutent de l’existence de Coningsby ou qui éprouveraient la curiosité d’en lire six lignes ? Nous demanderions volontiers à ces critiques charitables de nous indiquer dans Endymion un trait, un seul, qui s’applique incontestablement et nécessairement à Thackeray et permette de l’identifier avec Sainte-Barbe : laissons reposer en paix le malheureux écrivain, qui a suffisamment racheté par des années d’exil et de misère les désordres et les faiblesses de son existence, et ne voyons dans Sainte-Barbe que la personnification de la mobilité d’humeur, de l’amour-propre excessif, de l’esprit de jalousie et des mille défauts qu’on reproche avec plus ou moins de justice à la gent lettrée. Quand Sainte-Barbe, faisant un grief au ministère d’avoir dissous le parlement, parce que les préoccupations d’une élection font baisser la vente de son livre, se tourne contre le gouvernement qu’il a servi, est-ce là une épigramme rétrospective ? N’est-ce pas plutôt un trait de comédie, et ne pourrait-on citer des écrivains dont les changemens d’opinion n’ont pas eu des causes plus sérieuses ? Disons-le tout de suite, lord Beaconsfield n’est pas indulgent pour les hommes de lettres. Non-seulement il crible d’épigrammes « nos correspondans, » toujours au courant de tous les