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et à la persévérance, les assurant que les principes qu’ils représentent sont trop indispensables à la stabilité des institutions anglaises pour que le. bon sens naturel de la nation ne ramène pas la faveur publique, au parti qui les défend. En même temps, il avait recommandé à ses anciens lieutenans de laisser le champ libre aux nouveaux ministres afin de ne point arrêter le développement des germes de division qu’il apercevait au sein de leur majorité ; lui-même a pris peu de part aux débats de la dernière session. Après la séparation du parlement, la goutte, ce mal spécial des hommes d’état et des diplomates, qui est aussi quelquefois un prétexte commode pour arrêter les curiosités indiscrètes, a paru confiner lord Beaconsfield à Haghenden Manor. Si elle le retenait dans son cabinet, elle n’enchaînait pas sa main, toujours alerte, car un nouveau roman, Endymion est venu soudainement mettre en émoi le monde de la littérature et de la politique. Ainsi Lothair avait paru inopinément en 1870, après le renversement du cabinet de lord Beaconsfield et lorsque l’on croyait le chef des conservateurs livré au découragement.

Ce n’est pas seulement par son apparition inopinée qu’Endymion a été une surprise pour le public anglais. Ce livre ne ressemble point aux ouvrages que lord Beaconsfield a publiés depuis son entrée dans la carrière publique. Sous la forme de romans et dans le cadre de fictions à peine ébauchées, ces ouvrages, si avidement lus, ont toujours eu pour objet réel l’exposition et la défense des opinions de l’auteur. C’étaient des œuvres de propagande et comme des appels des jugemens du parlement à la masse de la nation. Or on ne trouve dans Endymion ni un ensemble de théories politiques comme dans Coningsby ou Sybil, ni des thèses de métaphysique religieuse et de théologie comme dans Tancrède ou Lothair. C’est en vain qu’on y chercherait la moindre allusion aux questions du jour, à la situation de l’Irlande, au prochain abaissement du cens électoral dans les. comtés ou aux affaires d’Orient. Ce n’était pas là le seul désappointement réservé à la curiosité des lecteurs. Endymion n’est pas, comme quelques-uns de ses devanciers, une galerie de portraits politiques. Depuis Coningsby, on s’était habitué à croire que lord Beaconsfield ne pouvait écrire un roman sans y mettre en scène, sous des noms supposés, bon nombre de ses contemporains. C’était à qui signalerait, à la cour ou dans le parlement, parmi les amis ou parmi les adversaires de l’auteur, les originaux de tous ses personnages. Quelle épigramme plus cruelle pouvait-on lancer contre un ennemi intime que d’affecter de le reconnaître dans un portrait satirique, et de le plaindre d’avoir été peint sous de si méchantes couleurs ? Cette fois, lord Beaconsfield s’est mis en garde contre les faiseurs