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tentative trouve le sujet dans le même état ou il était avant la première, et ne présente aucun inconvénient nouveau. C’est par ce pénible artifice, de la répétition des anesthésies avec intermittence que les chirurgiens américains, et peut-être H. Wells lui-même, ont pu faire servir le protoxyde d’azote à des opérations de longue haleine. Les difficultés d’un tel procédé, son caractère hasardeux, en limitaient tout naturellement l’application ; et après, comme avant ces tentatives, il restait exact de dire que le protoxyde était impropre ans grandes opérations.

Une analyse physiologique très pénétrante a permis à M. P. Bert de saisir les causes de la difficulté et d’en trouver le remède. Si le gaz dilué est sans effets c’est que le sang qui traverse le poumon ne prend plus dans cette atmosphère diluée qu’une quantité de protoxyde trop faible pour paralyser les centres nerveux qu’il va ensuite arroser. Or, comme la quantité de gaz qui pénètre dépend uniquement de sa pression, c’est-à-dire de la force avec laquelle il pèse sur le liquide sanguin à la surface du poumon, on conçoit, en comprimant le gaz dilué, qu’on arrive à en faire pénétrer autant qu’en l’offrant pur sous la pression ordinaire. La compression compensant ainsi la dilution, L’effet anesthésique se produira de la même manière et avec la même intensité. Cet artifice ne changera donc pas la situation en ce qui concerne l’insensibilisation à obtenir, mais il la modifiera en ce qui concerne l’asphyxie à éviter, car le gaz mélangé au protoxyde et qui sert à le diluer peut être l’oxygène, le gaz vital, le gaz respirable. Pour permettre l’anesthésie tout en prévenant l’asphyxie, il suffira de présenter à la surface du poumon un mélange comprimé où la pression partielle du protoxyde soit égale à la pression barométrique et où la pression partielle de l’oxygène soit la même que dans l’air, c’est-à-dire égale à un cinquième de la pression barométrique. Cumulant alors les avantages des deux gaz, le sujet respirera comme dans l’air pur et s’anesthésiera comme dans le protoxyde pur. La condition précédente revient, ainsi que le montre un calcul très simple, à mettre en rapport avec le poumon de l’animal un mélange de cinq volumes de protoxyde d’azote et de un volume d’oxygène amené à une pression supérieure de un cinquième à la pression atmosphérique. Toutes ces inductions théoriques, ces raisonnemens ingénieux, l’expérience les a vérifiés pleinement. Après une ou deux minutes de contact avec le mélange, le chien qui servait à l’épreuve devenait complètement insensible, la pupille était dilatée, on pouvait toucher l’œil sans faire cligner la paupière, pincer un nerf sensible, sans provoquer de réaction : la résolution musculaire était absolue. Cet état a pu se soutenir une demi-heure ou une heure sans changement. Et, tandis que les fonctions supérieures de l’animalité