sont, par une heureuse condition, précisément celles qui résistent le plus longtemps ; c’est le bulbe rachidien qui préside à la respiration, et le bulbe est l’ultimum moriens. On pourrait donc établir un classement des organes nerveux par ordre de susceptibilité à l’action anesthésique, qui serait l’ordre même de leur dignité physiologique, dans lequel le premier rang serait dévolu aux hémisphères cérébraux et où le dernier appartiendrait au bulbe rachidien. Entre ces termes extrêmes prendrait place la moelle épinière, conducteur des impressions sensitives et point de passage des impulsions motrices. Il ne s’agit pas ici de considérations théoriques qui n’intéresseraient que la physiologie. Les chirurgiens eux-mêmes, placés au point de vue tout pratique de l’observation des symptômes chez les opérés, sont obligés de reconnaître la hiérarchie que nous venons d’indiquer. Ils distinguent dans la marche commune de l’anesthésie quatre périodes : la première est marquée par la suspension des fonctions du cerveau, d’où résulte le sommeil ; la seconde est marquée par l’abolition des fonctions de la moelle considérée comme organe conducteur de la sensibilité, d’où la complète anesthésie ; la troisième débute avec l’abolition des fonctions des départemens de la moelle qui président aux réactions musculaires, d’où l’inertie et la résolution des muscles ; enfin, en tout dernier lieu, le bulbe est atteint, d’où la cessation de la respiration et l’arrêt du cœur, la mort, conséquence fatale de l’anesthésie poussée à son terme extrême.
Il n’y a plus qu’un point à connaître pour avoir la clé de tous les phénomènes anesthésiques et l’explication de leurs accidens. Il faut avoir présente à l’esprit cette loi générale que le poison qui abolit les propriétés d’un organe nerveux commence par les exalter. La paralysie est toujours précédée d’une période d’excitation. Il en est des nerfs comme de ces brasiers de houille dont la flamme est attisée par les premières gouttes de l’eau qui finira par les éteindre. Suivant qu’il s’agit de tel ou tel anesthésique, la phase d’excitation qui précède chacune des périodes précédemment indiquées est plus ou moins longue. Avec les anesthésiques foudroyans comme le protoxyde d’azote, la phase d’excitation cérébrale, médullaire ou bulbaire, est franchie d’un saut : la paralysie semble survenir d’emblée. Le chloroforme arrive en seconde ligne avec une action moins rapide et des phénomènes d’excitation déjà très évidens : l’éther ferme la marche ; la lenteur de son action permet le développement prolongé des phénomènes d’excitation qui sont l’un de ses sérieux inconvéniens.
L’éther ou le chloroforme que le sang a conduits jusqu’aux hémisphères cérébraux commencent donc par les surexciter avant