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0m, 55. Le Duilio porte donc à la fois une ceinture de fer que les projectiles en usage sur d’autres bâtimens ne peuvent briser et une artillerie capable d’obtenir ce résultat extraordinaire au moyen de projectiles qui ne pèsent pas moins de 1,000 kilogrammes. Cette épaisseur de cuirasse a été d’ailleurs réservée aux parties les plus exposées. On eût compromis la stabilité du bâtiment en lui imposant une charge plus lourde. Donc les œuvres vives, — le mécanisme de propulsion, 4es poudres, le gouvernail, — sont défendus par une épaisse enveloppe de fer et acier qui est placée transversalement. Les organes essentiels se trouvent ainsi entourés par des murailles métalliques. Une deuxième cuirasse formant retour dans la largeur du navire sert de ceinture au mécanisme des tourelles et au moteur qui porte les pièces d’artillerie. Ces pièces étant de 100 tonnes, il n’en existe d’aussi puissantes dans aucune autre marine. Cette innovation appartient à l’Italie. Jusqu’alors on avait considéré 80 tonnes comme un maximum au-delà duquel il était dangereux de surcharger un navire. Mais l’artillerie géante du bâtiment de guerre italien et de ses pareils a subi des essais réitérés à la satisfaction des inventeurs et à l’honneur des usines anglaises où elle a été fabriquée. Le Duilio enfin est un navire à compartimens étanches. Ce système de construction consiste à diviser la coque à l’intérieur en cellules pour isoler l’eau introduite dans le bâtiment par un projectile, une torpille, la rencontre d’un écueil ou toute autre cause de déchirure, et d’en borner l’extension à des compartimens clos où il soit facile de l’étancher. Cette disposition a pour but de préserver un navire en danger de sombrer après destruction partielle par l’artillerie ennemie, les mines sous-marines ou par un coup d’éperon.

Tel est le Duilio, Le navire-type a donc pour protection un blindage de 0m, 55 ; pour l’attaque, quatre canons de 100 tonnes dans deux tourelles cuirassées ; pour ressource extrême, en cas d’avaries majeures, un système de compartimens divisés de manière à limiter l’invasion de la mer par les ouvertures accidentelles de la coque. Les précautions accumulées donnent au navire italien et à la flotte des vaisseaux du même modèle une puissance formidable. On aurait dû le nommer l’Achille, car on a tout fait pour le rendre à peu près invulnérable. Ses moyens d’attaque sont complétés par un éperon. Il est muni d’un appareil à lancer des torpilles. Enfin un bateau très rapide, porteur d’un engin de cette espèce, est enfermé dans un tunnel, ménagé à l’arrière du bâtiment et peut, dans un combat, être dirigé contre l’ennemi. L’amiral Saint-Bon, ministre de la marine, a présidé à la construction du Duilio. Dans une séance du parlement, il a pu dire, non sans un orgueil légitime, quoiqu’un peu prématuré : « C’est le navire le plus puissant qui existe. Il