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plus funestes. Le bois est conservé dans des fosses où l’on introduit de l’eau minérale sulfureuse pour leur conservation. On ne s’approvisionne qu’à mesure des besoins, car l’arsenal de Naples est condamné à l’abandon. Tarente a été désignée pour le remplacer. Des travaux y ont été commencés. La Spezzia étant au nord de l’Italie, Tarente au sud, ces deux ports se compléteront l’un par l’autre et la nature a tout fait pour y préparer la place d’un grand arsenal. Tarente deviendra le centre d’un arrondissement maritime. Mais cette œuvre sera fort coûteuse et par conséquent très longue. En attendant, l’arsenal de Naples prolonge sa verte vieillesse et les deux premiers vaisseaux de la nouvelle flotte, le Duilio et le Dandolo, sont sortis de ses chantiers.

Le troisième port de construction de l’Italie est le port de Venise.

Au temps de sa grandeur, Venise fut la reine de l’Adriatique. Cette expression n’a rien d’exagéré. Elle y régnait en effet sans partage. Les navires étrangers n’y pénétraient qu’avec son autorisation et en payant un droit. Elle était fort déchue à l’époque de son insurrection contre l’Autriche. Cet empire peu maritime n’avait jamais cherché à rétablir la prépondérance de la marine vénitienne lorsque les traités lui avaient livré la Vénétie. Un sentiment plus juste de ses intérêts aurait rappelé au gouvernement de Vienne qu’une province prospère augmente la force d’un empire, qui s’affaiblit au contraire par la décadence d’un territoire annexé. Mais la fatalité de ces annexions forcées est d’indisposer les sujets contre leur nouveau maître et celui-ci contre ses nouveaux sujets. Si les Vénitiens ne dissimulaient guère leur antipathie contre l’Autriche, celle-ci en revanche ne leur montrait qu’une indifférence, peu politique sans doute, mais assez naturelle et certainement très provoquée.

Aussi quand Venise s’insurgea, sa marine était très délaissée et son arsenal fort négligé. Il tendait à devenir une sorte de musée plein de modèles et de curiosités fort intéressans pour l’étude des constructions navales au moyen âge. Mais on y bornait les travaux à la construction d’embarcations pour les lagunes et tout au plus y voyait-on sur chantiers par intervalles quelques corvettes et autres navires de faible échantillon. Au jour de l’insurrection, on n’y trouva qu’une petite frégate, qui même ne fut jamais terminée. En Autriche, il est vrai, l’on n’était pas beaucoup mieux pourvu. Aussi les deux marines au moment des premières hostilités, donnèrent-elles l’exemple, heureux pour la cause de l’humanité, d’adversaires qui s’observent, mais ne s’attaquent pas.

Bientôt parut dans l’Adriatique une escadre piémontaise, commandée par l’amiral Albini et recrutée à la hâte. Dans les eaux de Venise se trouvaient déjà des bâtimens de guerre envoyés par le