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Or il existe non loin de Gênes, aux confins de la Ligurie, à l’endroit même où elle se rattache au littoral toscan, près de la rivière Magra, un golfe qui semble disposé par la nature pour la réception d’une flotte. A l’est, les contours de ce vaste bassin suivent la courbe des Apennins, dont les contre-forts s’avancent vers le rivage et peuvent intercepter la route pour peu qu’on y place des batteries et des forts. Au fond du golfe est une ville : la Spezzia. M. de Cavour prit la résolution d’y fonder le principal arsenal de l’Italie.

Le golfe de la Spezzia, dont la superficie est de 9,000,000 de mètres carrés, est assez profond pour recevoir les plus grands navires. Il contient huit grandes baies dans le pourtour de ses rivages. Les unes sont fréquentées par la navigation marchande ; les autres sont assez vastes pour les évolutions des bâtimens de guerre. Çà et là des îles pointent à la surface, assez larges pour porter des forts. La première idée de placer un arsenal à la Spezzia émane de Napoléon Ier, qui voulait, disait-il, y ouvrir le principal port de son empire. A M. de Cavour est échue l’exécution de ce projet.

Il en fit préparer les plans sous la monarchie sarde, tant il avait la conviction préconçue de ses destinées prochaines. Dès 1861, le roi Victor-Emmanuel put voir le tracé de ce port, trop vaste pour un petit royaume, digne, par ses proportions, de l’Italie unie. Il comprend une étendue de 1,200 mètres en longueur du bord de la mer au sud au mur d’enceinte au nord, et de 700 mètres en largeur de l’est à l’ouest. La nomenclature des ateliers, hangars, dépôts de matériel, cales de construction, ne serait pas à sa place dans cette étude, qui n’a ni la prétention ni le désir d’être technique. Ils couvriront une superficie de 5,600 mètres. L’étendue des cales de construction sera de 14,600 mètres. Il y aura dix bassins creusés à 10 mètres de profondeur. Ces travaux sont en cours d’exécution. Quand ils seront terminés, l’Italie possédera un arsenal égal aux plus beaux établissemens de ce genre, soit en Allemagne, soit en Russie, soit en France.

Mais ce ne sera pas assez d’avoir préparé pour les vaisseaux un abri vaste et commode, d’y avoir réuni tous les moyens de construction et de réparation d’une flotte considérable, il faudra se tenir prêt à défendre au besoin ce matériel. S’enfermer dans l’enceinte d’un arsenal, y tenir ferme, repousser des assauts, ne suffirait pas. Il faut encore éloigner les chances d’un bombardement, et commander un tel respect, que l’ennemi ne soit pas tenté d’attaquer de vive force et reste hors de portée. Un arsenal prend donc place dans le plan général de défense d’un pays. On l’a fait remarquer dans le parlement italien. M. Maldini, dans son rapport, disait à ce sujet : « C’est par là que passe la route qui rejoint, par Gênes, la frontière française. L’occupation de la Spezzia par l’ennemi,