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comme complément de l’organisation des) forces nationales sur mer et sur terre. Ces travaux sont fort avancés, et il faut les connaître pour bien savoir quel degré d’appui ou de concurrence la France peut trouver chez ses plus proches voisins.


I

Après la bataille de Lissa, îles Italiens sentirent la nécessité de constituer une force navale sérieuse. Cette nécessité, l’étendue seule de leurs rivages suffisait à la leur imposer. La Péninsule a plus de 3,000 kilomètres de côtes. Les hommes d’état faisaient le raisonnement suivant : « Supposons, disaient-ils, qu’un ennemi domine la mer et qu’il en chasse notre pavillon, comme les pavillons prussiens et russes ont été un moment chassés de la Baltique et de la Mer-Noire : où s’abriteront nos vaisseaux ? Laissons même hors de question notre flotte, qui n’existe pas encore. Quel sort sera réservé à nos villes maritimes ? Seront-elles livrées sans défense aux bombardemens, abandonnées à la discrétion de l’assaillant, soumises aux rançons les plus dures ? Si l’ennemi débarqué les occupe, deviendront-elles une base d’opération, une porte ouverte à l’intérieur, une tête de chemin pour l’approvisionnement d’une armée en marche, comme Kamiesh et Balaclava pendant le siège de Sébastopol ? »

Sous les gouvernemens précédens de la Péninsule, la défense maritime était fort négligée en Italie. De distance en distance, on voyait surgir près du rivage une tour isolée et mélancolique, inutile contre la contrebande et dérisoire contre une invasion. Ces édifices étaient en général dépourvus de tout armement et hors d’état d’en recevoir aucun. Placées d’ailleurs à des intervalles assez éloignés les unes des autres, ces tours n’avaient entre elles aucune corrélation et ne pouvaient se prêter aucun appui. La nullité de ces ouvrages aurait pu se racheter s’ils avaient servi de stations à quelque télégraphe électrique. Mais l’utilité de cette découverte de la science contemporaine n’avait pas été jusqu’alors constatée en temps de guerre. La Prusse, qui a montré à l’Europe, au bon moment pour son ambition, tant d’institutions militaires d’un effet imprévu : l’institution de la réserve, l’invention du fusil à aiguille, l’emploi des chemins de fer pour la mobilisation des armées, les canons Krupp, les fusillades de paysans coupables de défendre leurs loyers, les indemnités de guerre imposées aux villes ouvertes, et tant d’autres progrès de la civilisation et de la crainte de Dieu, n’avait pas encore indiqué l’usage en guerre de l’électricité, et d’ailleurs les pouvoirs éphémères de l’Italie, divisée en petites