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Jacobo Necker, Régis Gallorum œrarii superadministratori, quod octo annos legatus apud Regern christianissimum, eximia fide peritia defunctus sit, civi optimo, de patria bene merito Senatus. Gen. D. D. 1776.

Cette inscription fut la première des quatre-vingt-deux qui devaient être rédigées en l’honneur de M. Necker durant les années qui allaient suivre, en attendant l’heure des libelles.


II.

En passant de l’hôtel Leblanc à celui du Contrôle-général, qui était situé rue Neuve-des-Petits-Champs, M. Necker échangeait la situation d’un riche financier, mari d’une femme aimable, contre celle d’un homme public qui allait bientôt devenir le personnage de France le plus en vue. Ses fonctions nouvelles allaient lui créer, avec le roi et les membres de la famille royale, avec les hommes de cour et les évêques, avec les hommes de lettres et les philosophes, des relations dont je voudrais marquer la nature sans entreprendre de retracer l’histoire de son administration. Les adversaires de M. Necker font assez volontiers le silence sur ces cinq années d’une conduite si avisée, si prudente, durant lesquelles il réussit souvent à faire triompher dans la direction des finances des principes qui sont passés aujourd’hui à l’état d’axiome, mais qui alors étaient à peine entrevus par les esprits les plus éclairés. Je dirai seulement un mot du caractère de cette administration. L’incontestable supériorité de M. Necker sur les financiers du temps, c’est d’avoir discerné avec sagacité les points où une réforme était indispensable et d’avoir avec beaucoup de sûreté de coup d’œil porté la main sur des rouages vieillis dont quelques-uns furent définitivement brisés par lui, dont les autres devaient l’être plus tard par des mains plus brutales. Lorsqu’au prix de beaucoup de colères et de ressentimens, il réduisait le nombre de ces intermédiaires, fermiers généraux, croupiers, régisseurs, receveurs-généraux, entre les mains desquels restait une partie de l’argent produit par les impôts, lorsqu’il travaillait à ramener l’unité dans la comptabilité générale en supprimant quelques-unes des caisses publiques, et (tâche plus difficile encore) quelques-uns des trésoriers, lorsqu’il s’efforçait d’obtenir que chaque année, à une époque fixe, il fût établi une sorte de tableau comparatif des recettes probables et des dépenses projetées qui permît de mettre en équilibre les unes avec les autres ; il ne faisait rien autre chose que mettre à l’avance en pratique les principes d’après lesquels se gouvernent aujourd’hui en matière de finances tous les pays civilisés.

Lorsque, dans un autre ordre d’idées, il essayait d’organiser par