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souvent, que les pratiques ou les faiblesses du gouvernement encouragent et qui est la contradiction de ce qu’on avait l’habitude de considérer comme la tradition libérale du pays. Dès qu’un intérêt de parti est en jeu, il est entendu que tout est permis, les abus de domination aussi bien que les plus violentes iniquités de polémique contre les hommes. Il suffit de se couvrir d’un grand mot, la démocratie, l’état ou même le patriotisme, pour se donner tous les droits ou plutôt toutes les licences. Rien, certes, ne peut être plus pénible et plus tristement significatif que ce qui se passe depuis quelque temps soit dans le parlement, soit dans la presse, au sujet d’un des plus anciens chefs de l’armée, qui depuis 1870, a été ministre de la guerre successivement sous M. Thiers et sous M. le maréchal de Mac-Mahon.

Un jour, il y a quelques semaines, un procès né de cette fureur de soupçon et de dénigrement qui règne aujourd’hui divulgue deux lettres que M. le général de Cissey aurait pu sans doute se dispenser d’écrire, qui ne sont après tout pourtant que des actes d’un ordre privé sans gravité et sans conséquence pour l’intérêt public. Que ces lettres aient pu être une imprudence, le gouvernement en a jugé ainsi, puisqu’il a cru devoir relever de son commandement celui qui les avait écrites à l’époque où il était ministre, — et l’expiation était assez dure pour un vieux soldat près d’arriver au terme de l’activité. Cela n’a cependant pas suffi. Depuis quelques semaines, c’est un véritable déchaînement d’outrages, de diffamations, d’iniquités, d’inventions injurieuses contre un homme qui a passé sa vie à servir le pays, qui l’a servi souvent avec éclat. Rien n’est respecté, ni la carrière du soldat, ni la dignité de l’homme, ni l’intégrité de l’administrateur. Concussions, malversations, fraudes, abus d’autorité, rien n’a été négligé, — et bientôt il a été clair que ce qu’on poursuivait surtout en M. de Cissey, c’était le chef militaire ramenant au mois de mai 1871 un dos corps de l’armée de Versailles dans Paris ravagé et incendié par la commune ! Dans cette campagne d’outrages organisée par d’étranges vengeurs de la morale et du patriotisme, il y avait une partie qui ne relevait vraiment que de la justice. M. le général de Cissey a fait ce qu’il y avait de plus simple ; il a livré aux tribunaux les diffamateurs en les sommant de justifier leurs allégations, et devant la justice naturellement pas une ombre de preuve n’a été produite. La régularité de l’administration de M. le général de Cissey a été démontrée, mise en lumière par un ensemble de témoignages, de dépositions qui ont fait crouler l’édifice de mensonge et de calomnie. Tout a disparu notamment sous la parole ferme, lucide et décisive d’un des plus jeunes et des plus brillans chefs de notre armée d’aujourd’hui, M. le général Berge, qui a été, comme directeur de l’artillerie, un des plus actifs coopérateurs de la réorganisation militaire de la France. Le tribunal a prononcé ; mais il y a une autre partie. À cette campagne se sont trouvés plus ou moins mêlés des législateurs, des députés qui ont