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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre 1880.

Les commencemens de session sont d’habitude une occasion de régler tous les comptes entre le gouvernement et les assemblées, d’évaluer, pour ainsi dire, la situation nouvelle où l’on se retrouve. C’était d’autant plus naturel, d’autant plus opportun à la rentrée récente du parlement de la France, que, dans l’intervalle des deux sessions, des événement d’une évidente gravité s’étaient accomplis.

Le cabinet nouveau avait cru pouvoir dire en paraissant pour la première fois devant les chambres : « Le changement de ministère qui s’est effectué pendant votre absence n’est pas de ceux qui modifient la direction générale des affaires publiques… » C’était une assez grande hardiesse ou une singulière légèreté. S’il n’y avait eu aucun changement dans la « direction des affaires publiques, » comment l’ancien président du conseil avait-il été conduit à se retirer au lendemain d’un discours retentissant qui avait la valeur d’un manifeste ? S’il y avait une modification assez sérieuse pour qu’un premier ministre responsable ne pût, sans renier ses opinions, accepter de rester au pouvoir, comment cette modification était-elle devenue nécessaire ? par suite de quelles circonstances insaisissables avait-elle dû s’accomplir ? Par quelle anomalie surprenante ceux qui, la veille encore, paraissaient s’approprier le discours de leur chef en le faisant afficher dans toutes les communes de France se trouvaient-ils chargés de le désavouer dans leurs actes ? La question naissait d’elle-même ; elle s’est élevée naturellement devant le sénat comme devant la chambre des députés. Dans l’une et l’autre assemblée, le dénoûment du débat a été à peu prés le même en ce sens que le nouveau cabinet a eu une majorité, que dans les deux cas la pensée d’éviter une crise ministérielle a visiblement inspiré le vote. Seulement la discussion du sénat a eu l’avantage d’aller plus droit au but, de porter plus directement sur le point décisif, et elle a eu pour résultat, sinon de tout éclaircir, du moins de produire par la contradiction, par le choc des opinions, par les interventions qu’elle a