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temps, deux espèces aujourd’hui profondément distinctes auraient donc pu diverger d’une souche commune : ce qui serait vrai de tous les vertébrés pris ensemble devrait l’être du vertébré le plus rudimentaire, comparé à l’un quelconque des représentans d’une autre classe du règne : et ainsi de suite, jusqu’à ce que le problème de l’apparition du premier vivant se pose et s’impose. M. de Nadaillac s’est contenté de l’effleurer et de répondre aux théories en vogue parmi certains savans que leurs théories sont ingénieuses, qu’ils les soutiennent avec habileté, qu’ils les défendent avec ardeur, — quelquefois avec mauvais goût, mais c’est l’effet chez M. Haeckel, par exemple, d’une conviction forte, — et qu’ils n’ont enfin qu’un tort, c’est de vouloir à tout prix que nous soyons si naïfs que de prendre leurs hypothèses, construites souvent sur une pointe d’aiguille, pour l’expression de ce que l’on appelle à pleine bouche aujourd’hui « la vérité scientifique. » Mais le plus grand dérèglement de l’esprit, « c’est de voir les choses comme on veut qu’elles soient, et non comme on a vu qu’elles étaient. » Transformisme, unisme et monisme : au fond, tout cela, c’est de la métaphysique, et pourquoi n’ajouterions-nous pas : de la mauvaise métaphysique ?

Nous avons essayé de mettre en lumière quelques-uns des plus intéressas chapitres du livre de M. de Nadaillac. Si les conclusions en sont sur beaucoup de points négatives, c’est qu’au fond il est bien peu des questions qu’il traite sur lesquelles la science ait prononcé son jugement sans appel. Mais il a réuni dans ces deux volumes tant de documens, il a si franchement fait valoir le fort et le faible des hypothèses en lutte, il a si clairement exposé le dernier état des recherches, qu’à ceux qui ne connaissent pas la question il tiendra lieu de toute une bibliothèque, qu’à ceux qui n’en connaissaient que les traits généraux, il aura donné le moyen de se faire une opinion raisonnée solidement, qu’à ceux enfin qui la connaissent plus profondément, nous ne doutons pas qu’il ne remette en mémoire bien des choses un peu oubliées et même n’apprenne beaucoup de choses neuves.