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qu’il n’a fait que les effleurer. A vrai dire, la science des origines de la civilisation est elle-même déjà comme un prolongement de l’archéologie préhistorique proprement dite. Les deux sciences confinent l’une à l’autre, et par bien des endroits se pénètrent : elles ne sont pourtant pas tout à fait la même Science. Mais, pour tous les autres travaux que nous venons d’énumérer, le livre de M. de Nadaillac, écrit à l’usage du public français, nous pourra désormais tenir lieu de toute une encyclopédie sur la matière, qu’il résume, ou plus exactement qu’il condense et qu’il fixe, qu’il étend, qu’il complète sur certains points.

On saura gré tout d’abord à l’avenir d’avoir limité rigoureusement son sujet et de n’avoir trop longuement parlé ni de l’origine de la planète, ni de l’origine de la vie sur la terre, ni de l’origine enfin des espèces. Le peu qu’il voulait dire sur ces sujets, il l’a réparti, selon l’occasion, dans le cours de l’ouvrage, et même, c’est à la fin de son second volume qu’il en a rejeté l’essentiel, conformément aux lois d’une bonne méthode scientifique. En effet, quelque opinion que l’on adopte, — car ce sont encore là toutes matières d’opinion, quoi qu’en disent les éclaireurs de l’avenir, et non pas précisément de science, — une opinion sur l’origine des espèces ou sur l’origine de la vie, ce sont, à bien y regarder, des conclusions où l’on arrive et non pas des prémisses d’où l’on parte. Peut-être même l’auteur aurait-il pu suivre jusqu’au bout la logique de ce plan, et, procédant par inversion de l’usage, remonter, de proche en proche, du certain au probable et du probable à l’hypothétique, de l’âge de pierre à l’âge quaternaire, de l’âge quaternaire à l’âge tertiaire et de l’âge tertiaire enfin à ces âges plus lointains, où les évolutionnistes intransigeans ont placé les singes, — singes à queue, singes sans queue, pithécoïdes, anthropoïdes et catarrhiniens, — d’où ils se plaisent à nous faire descendre. C’est d’Alembert, je crois, qui demandait qu’on écrivît ainsi l’histoire comme à rebours, en remontant le courant de la chronologie. On se figure malaisément l’histoire écrite et racontée de la sorte ; une biographie de César, par exemple, qui commencerait à la mort de César. Il se pourrait que ce fût la bonne manière d’exposer la préhistoire. Nous demandons droit de cité pour le barbarisme. Il est presque nécessaire et déjà quasi consacré.

Aussi bien c’est un peu ce qu’a fait dans son livre M. de Nadaillac, sauf qu’en racontant les recherches et discutant les travaux relatifs aux âges de la pierre, il a suivi pour cette partie l’ordre communément reçu. L’histoire des âges de la pierre remplit une bonne part du premier volume et deux ou trois chapitres du second. Je ne crois pas que, dans aucun livre encore, on nous en eût tracé le tableau plus clair en même temps que plus complet, et, — rare mérite assurément, — sans jamais dépasser les bornes de l’induction permise, sans jamais affirmer là où il convient de suspendre et de retenir le jugement, sans jamais tomber dans