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nous nous sommes assurés par le traité du 25 avril 1880. Kita étant à mi-chemin à peu près entre Bafoulabé et le Niger, l’intention du gouvernement est d’en faire comme le nœud de tout notre système de défense dans cette région. On y établira une sorte de camp retranché avec des approvisionnemens considérables et une garnison assez forte pour pouvoir former des colonnes qui rayonneront sur les pays environnans.

Jusqu’au Bélédougou, notre expédition continua d’être bien reçue quoiqu’avec un peu plus de froideur. M. Vallières se détacha au sud pour aller visiter Mourgoula, une des places d’Ahmadou, et M. Piétri s’en alla par le nord, reconnaître si la vallée tributaire du Niger, que signalaient les instructions du gouverneur, existe réellement. M. Gallieni continua sa route droit sur Bamako. Il ressort des renseignemens rapportés par M. Bayol, que ce n’est point par là qu’il faudra tenter de faire franchir au chemin de fer la ligne de faîte qui partage les eaux entre le Sénégal et le Niger. Le passage du Badingo et du Baoulé est difficile ; le pays, très montagneux, présente une succession de vallées à pentes énormes et rocheuses. Les marigots sont nombreux, à rives escarpées, et souvent fort larges.

Le Bélédougou, qui a toujours résisté plus ou moins victorieusement aux attaques du Segou, doit à ce bonheur d’avoir gardé d’assez nombreux villages et de compter de 12 à 15,000 habitans. Il est habité par des Bambarras avec lesquels M. Gallieni n’avait pu se mettre en relation. Ils firent sans doute ce raisonnement, que des hommes qui portaient des présens à leur ennemi Ahmadou étaient des ennemis. Leur armée tout entière, au nombre de près de 2,700 hommes, vint leur tendre une embuscade près du village de Dio, à A5 kilomètres environ de Bamako, et l’attaqua le 13 mai., La mission eut seize blessés, trente-huit hommes tués ou disparus et perdit tous ses bagages et tous ses ânes. Il lui fallut marcher pendant vingt-sept heures sans manger avant d’atteindre Bamako. Cette affaire est un véritable malheur, en. ce sens : qu’elle nous obligera à sortir pour un temps de l’attitude résolument pacifique que nous entendions garder, et cela pour combattre les mêmes gens que les Toucouleurs, que nous avons si peu d’intérêt à favoriser. Il importe en effet à notre prestige de tirer une vengeance éclatante et prompte de l’attaque de Dio, car les nègres n’ont de respect que pour la force.

Les habitans de Bamako, étant de complicité avec les Bambarras, M. Bayol ne pouvait songer à résider parmi eux. Il fut convenu qu’il rentrerait en France. Il passa dans le Manding, admirable contrée, belle comme un parc anglais, où l’or, si abondant dans le pays voisin du Bouré, commence à se montrer, et revint par