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Les Toucouleurs surveillent avec un soin jaloux nos agissemens au Sénégal. Nous n’y faisons rien qu’Ahmadou n’en soit aussitôt averti. M. Soleillet, qui était auprès de lui au moment où il apprit l’occupation de Bafoulabé, en avait rapporté la nouvelle qu’il n’avait ressenti aucune fâcheuse impression de cette mesure. Cependant nous ne pouvions nous flatter d’atteindre le Niger sans un arrangement préalable avec lui. Les territoires à traverser ne reconnaissent plus son autorité depuis longtemps, mais il n’a jamais cessé de les considérer comme siens. Du reste, notre ligne de postes séparera Duinguiray de Segou, et il était sage de s’assurer l’assentiment de ce prince avant de couper ainsi son empire en deux. Il entrait dans les vues de M. Brière de l’Isle de lui envoyer une mission après la saison pluvieuse de 1880 ; mais l’accueil que les chefs réunis à Oualiha firent à M. Gallieni le détermina à la mettre immédiatement en route et à l’employer à deux fins, à profiter d’abord des bonnes dispositions de ces chefs pour nous les attacher par des traités qu’elle contracterait sur sa route et à négocier ensuite avec Ahmadou une fois qu’elle serait à Segou.

Le gouverneur ne crut pouvoir trouver un officier plus digne de cette. nouvelle mission que M. Gallieni, et il lui attacha de nouveau M. Vallières ; il lui adjoignit en outre M. Bayol, médecin de la marine de première classe, « homme de beaucoup d’extérieur et de fondl et d’un excellent esprit, » et M. Tautain, aide-médecin de la marine. Les instructions portaient entre autres points : recueillir tous les renseignemens possibles sur le pays entre Bafoulabé et Bamako, point désigné pour aboutir sur le Niger ; passer des traités pour la construction de postes à Fangalla et à Kita ; examiner si le Bakboy n° 2 existe comme l’indique la carte de Mage ; reconnaître si une rivière coule de l’est des montagnes de Kita jusqu’au Niger, en passant à 40 ou 50 kilomètres au nord-est de Mourgoula et voir si la vallée en conviendrait au chemin de fer ; revenir de Segou à Médine par la route la plus directe ; affirmer partout nos intentions pacifiques et le caractère purement commercial de notre entreprise. M. Bayol devait rester à Bamako comme résident français, battant pavillon sur le Niger ; le chef de la mission devait lui acheter une maison et lui faire construire un yacht.

La mission quitta Saint-Louis le ; 30 janvier et vint organiser sa caravane à Bakel. Elle emmenait vingt et un tirailleurs, sept spahis, douze muletiers, une soixantaine d’âniers, des interprètes, des guides, parmi lesquels les fils des chefs de Kita et de Bamako, vingt chevaux, douze mulets et trois cents ânes. Elle était pourvue de présens considérables pour Ahmadou, notamment de deux beaux chevaux blancs, couleur aussi rare au Soudan chez les animaux que chez les hommes. Le 30 mars, elle était à Bafoulabé, Au-delà