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Médine les approvisionnemens nécessaires à la construction du fort et à la nourriture des ouvriers et des soldats, de la poudre, de la chaux et tout ce que l’on put trouver d’outils disponibles dans la colonie. Le commandant Mousnier, directeur du génie, quoique fort souffrant, alla présider en personne à l’installation. Le 10 décembre, il quitta Médine avec le lieutenant Marchi, qui devait commander le nouveau poste, l’adjudant du génie Audrei[1], qui devait diriger les travaux après son départ, les cinquante tirailleurs, cent dix ouvriers de Saint-Louis, hommes sûrs auxquels les fusils doubles étaient destinés et une quarantaine de travailleurs malinkés. Il emmenait deux pièces d’artillerie, que les soldats traînèrent gaîment et qu’en certains passages il leur fallut porter sur leurs épaules. On arriva le 21 à Bafoulabé. M. Gallieni, estimant que la pointe même du confluent était le lieu le plus élevé du pays, l’avait désignée pour l’emplacement du fort. Après deux tours d’études, M. Mousnier acquit la conviction que la rive gauche du Bafing était plus haute et partant plus saine, et c’est là qu’on se fixa. Les habitans du Bakhoy se plaignirent amèrement d’une disposition qui nous éloignait d’eux, et pour leur faire plaisir on construisit également sur la pointe un petit fortin, où l’on mit une garnison de quinze hommes. Le commandant Mousnier repartit le 24 pour Médine. Mais, sous l’énergique impulsion de MM. Marchi et Andrei, les travaux marchèrent promptement. Le 30 janvier, une redoute provisoire, entourée d’un fossé et d’une palissade était construite, ainsi que de bons gourbis en torchis couverts d’un chaume épais pour les logemens. Les environs étaient débroussaillés jusqu’à 300 mètres ; les deux canons étaient en batterie et la place était imprenable pour une armée nègre. Une route était construite pour la relier au village de Makhina, deux puits étaient creusés. On abattait des arbres et on extrayait des pierres pour le fort définitif ; trente barques, quinze au-dessous des chutes de Gouïna et quinze au-dessus, achevaient le transport des approvisionnemens dans les endroits navigables du fleuve. Des animaux, en trop petit nombre malheureusement, y pourvoyaient dans le reste du trajet.

Les choses marchèrent moins bien pour la route projetée entre Médine et Bafoulabé, ou plutôt elles ne marchèrent pas du tout. L’insuccès fut complet. Le gouverneur envoya là le seul ingénieur qu’on lui eût expédié de France ; mais cet homme ne répondit point aux espérances qu’on avait mises en lui. Il monta à Médine par le même bateau qui emportait le commandant Mousnier ; après avoir très rapidement fait le plan de la route jusqu’à Bafoulabé, il en

  1. On a déjà remarqué sans doute l’abondance des désinences italiennes parmi les noms que nous avons à citer. C’est qu’autant que possible on emploie des hommes du Midi, et notamment de la Corse, comme plus faciles à acclimater.