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pendant l’hivernage ; quand les mares qui leur fournissent de l’eau se dessèchent, ils se rapprochent du fleuve.

Plus on s’éloigne de Saint-Louis, plus la population devient dense, M. Jacquemart a trouvé la vallée du Sénégal relativement fort peuplée. Il a compté 47 villages et 32,700 habitans dans le Toro ; 40 villages et 20,170 habitans dans le Lao, 22 villages et 10,550 habitans dans l’Irlabé de l’ouest ; 132 villages et 81,450 habitans dans le Fouta indépendant ; 75 villages et 32,050 habitans dans le Damga ; 15 villages et 7,500 habitans dans le Guoye ; soit en tout : 184,420 habitans pour le pays qu’il a visité. Cette population occupe une des vallées les plus fertiles du monde. C’est comme une réduction de la vallée du Nil : elle s’étend le long du fleuve entre la rive gauche et une chaîne de collines de 15 à 20 mètres de haut, qui tantôt touche le bord et tantôt s’en éloigne jusqu’à 12 kilomètres, laissant entre elle et lui une immense plaine que l’inondation féconde par le limon qu’elle y dépose régulièrement chaque année. La limite des eaux est bien facile à reconnaître. L’herbe des terrains inondés est très vigoureuse ; elle atteint trois mètres de haut, ses arêtes sont tranchantes, elle reste toujours verte. Celle des terrains où le fleuve ne parvient pas a, au contraire, la tige ronde, elle est beaucoup moins forte, et elle sèche une fois que l’hivernage est passé. Les noirs se contentent de faire un trou dans la terre pour y déposer les semences et ils les confient ensuite aux soins de la nature jusqu’au moment où il est temps de faire la récolte. Ils cultivent le mil, dont les variétés sont très nombreuses, le riz, le mais, les haricots, les arachides, principal élément du commerce d’exportation, l’indigo et le coton. On trouve de la cire dans le Damga et le Guoye, de la gomme dans le Bosséa, des plumes d’autruche dans le Bosséa, le Damga et le Guoye. Le Toro possède de grands troupeaux de moutons et de chèvres, et il y a beaucoup de bœufs dans l’Irlabé. Comme le reste de la Sénégambie, toute cette région est en grande partie couverte de forêts. M. Jacquemart a rencontré vingt essences différentes dans le pays non inondé, et seize dans le pays inondé. Il a rapporté des échantillons du bois de chacune d’elles. Quelques-unes fourniront des bois de construction. La plus utile en même temps que l’une des plus répandues est le gonakier, qui atteint de grandes dimensions. Les indigènes en font des pirogues et on pourra s’en servir pour les poteaux télégraphiques et pour les traverses de chemin de fer. En un mot, le pays serait fort riche si le climat, qui fait sa fécondité, n’amollissait en même temps ses habitans. Les Toucouleurs mettent leur point d’honneur dans la paresse et ne sèment que juste ce qui leur est nécessaire. Cependant il y a lieu d’espérer qu’ils