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pressant beaucoup, rendre compte à peu près de tout ce qu’il aura préparé, et se tirer d’affaire. Mais supposons qu’il ait aussi à parler du commerce. Il a, pour le commerce, fait le même travail que pour l’industrie. Il voudrait, pour chacune des subdivisions de ce sujet considérable, donner l’état au commencement du règne de Philippe le Bel et montrer ce qui s’est passé sous ce prince, s’étendre un peu, au chapitre du commerce intérieur, sur les règlemens des foires de Champagne, qui sont d’une réelle importance ; il voudrait, au chapitre du commerce extérieur, étudier le privilège aux Lombards, et surtout les ordonnances sur l’entrée et la sortie des marchandises. Il lui resterait encore à parler du commerce maritime, des douanes, du régime de l’argent, des banques, des mesures, des monnaies ; que fera-t-il s’il lui faut traiter en trois quarts d’heure de l’industrie et du commerce ? Effaré au milieu de ses textes, qui l’encombrent, il se trouvera réduit à les sacrifier presque tous ; ou bien il fera une leçon trop pleine, difficile à suivre, sans assez de clarté ni de précision. — Et, brisé par ce pénible effort, il accusera ses juges d’avoir trahi eux-mêmes son zèle, de lui avoir eux-mêmes tendu un piège, et il conseillera aux candidats des générations à venir de s’en tenir au travail superficiel et aux ouvrages de seconde main.

Il n’y a pas ici la moindre exagération ; nos exemples sont pris sur le vif, d’après une expérience de trente années[1]. Ces doutes, ces anxiétés, ces découragemens, nous les avons vus se produire, nous les avons connus, nous les avons entendus. Ce n’est pas que les candidats nous doivent ou nous présentent des découvertes inédites, des mémoires d’Institut ; il s’agit d’un concours, c’est-à-dire quelles résultats sont ceux que comportent les conditions communes d’âge, d’expérience, de temps accordé à la préparation. Mais il est certain que de grands efforts sont accomplis et que nous avons le devoir impérieux de ne pas les tromper. Voilà ce qui rend absolument nécessaire le partage des thèses, d’autant moins nombreuses, en sujets étroits de leçons définitives. Une thèse sur la politique intérieure de Richelieu ou sur celle de Henri IV formera aisément sept à huit leçons au lieu de deux ou trois, chacune traitant d’une ou de plusieurs négociations importantes. Une thèse sur les institutions d’Athènes à l’époque de la guerre du Péloponèse se partagera en sept ou huit sujets au moins, puisqu’on pourra étudier à part l’assemblée populaire, le système des impôts et les revenus de l’état, le théâtre considéré comme institution politique

  1. J’invoque, outre mes souvenirs personnels, et je mets à profit dans ces pages diverses lettres de mes collègues et amis, M. Fustel de Coulanges, M. Lavisso, etc., justement préoccupés de ces délicates questions.