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Lettres de Richelieu par M. Avenel n’existait pas, ni le Recueil des Lettres de Colbert par M. Pierre Clément ; comme il eût été impossible de suppléer à de tels livres sans un énorme travail, ce travail ne nous était pas demandé. Persévérer aujourd’hui dans une méthode qui pouvait avoir autrefois sa raison et peut-être son utilité, ce serait, — n’hésitons pas à le dire, — encourager la témérité superficielle et peu scrupuleuse, et décourager le travail consciencieux. Les efforts qui se font chaque année en vue de nos concours sont très considérables ; nous ne devons ni ne voulons les arrêter ; il faut de toute nécessité qu’ils soient encouragés au contraire, dirigés et récompensés.

Qu’on veuille bien juger par un exemple particulier de l’importance morale et pratique de cette observation, et de l’impossibilité qu’il y a désormais, en présence du progrès général des études, à continuer de proposer des thèses trop nombreuses, destinées à être partagées en des sujets de leçons trop étendus.

Parmi les thèses de l’an dernier figurait celle-ci : « Institutions judiciaires sous Philippe le Bel. Industrie et commerce sous le même règne. » Nous avons dit que, pour l’épreuve du concours, il faut diviser les thèses en un certain nombre de sujets de leçons, que le sort distribue comme il l’entend aux divers candidats vingt-quatre heures à l’avance. Supposez que l’on assigne à un seul ce double sujet : « Industrie et commerce sous Philippe le Bel, » au lieu de le partager en deux leçons, voici ce qui peut arriver. Un candidat peu scrupuleux s’est contenté de lire un ouvrage de seconde main, peut-être le volume que M. Boutaric a publié précisément sur ces matières. Il a peut-être ajouté quelques textes, grâce aux renvois qui les lui indiquaient ; mais, s’il y a dans ce très intéressant ouvrage de graves omissions, il n’a pas pris la peine de les réparer ; s’il y a de fausses interprétations, il ne les a pas contrôlées et critiquées. Cela n’empêche pas que, l’esprit tranquille, et profitant des vingt-quatre heures de préparation immédiate qui lui sont accordées, il ne construise une leçon de bonne apparence, qu’une exposition facile et dégagée rendra peut-être assez agréable à suivre. Un autre candidat a procédé autrement : il a voulu étudier d’une part l’état de l’industrie sous Philippe le Bel, d’autre part l’action de l’autorité royale sur l’industrie. Il a commencé par étudier les documens originaux ; il y a vu des faits, comme la suppression des confréries, la restriction de la juridiction des grands officiers, la transformation de métiers libres en métiers royaux, la loi somptuaire, qui ne peuvent être compris que très imparfaitement si l’on ne connaît pas l’état de l’industrie au commencement du règne. Il a donc étudié les deux époques, les premières et les dernières années. Si vous lui donnez à traiter seulement de l’industrie, il pourra, en se