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se contenir. L’accablement que peut causer aux esprits l’étude de la science historique n’est à redouter que si ceux qui enseignent, manquant de méthode et de droiture patiente, ne savent pas allier l’usage nécessaire des vues générales avec le travail personnel, exact et précis, sur des programmes ménagés et allégés le mieux possible. Le meilleur professeur d’histoire n’est pas celui qui a su emmagasiner dans son souvenir le plus de faits et de dates, car la mémoire n’est rien sans le bon esprit et le jugement ; qu’il soit difficile de lui tracer ses justes limites dans un enseignement et dans un temps qui sollicitent à tant de connaissances diverses, on peut en convenir : il y faut cependant réussir à tout prix, sous peine de manquer l’œuvre de l’éducation publique.

Un concours annuel, dit d’agrégation, sert au recrutement général des professeurs de l’université. Il attire particulièrement pour l’histoire, outre les candidats engagés soit à l’école normale supérieure, soit dans les lycées comme suppléans, des jeunes gens de l’enseignement libre, des licenciés ou même des docteurs en droit, qui y cherchent, non pas seulement l’accès d’une honorable carrière, mais encore un engagement vers une certaine discipline d’esprit. On peut, en examinant comment ce concours est constitué, en interrogeant les épreuves diverses dont il se compose, se rendre compte de la direction que reçoivent les futurs professeurs et des maximes dont leurs juges s’inspirent. Pures questions scolaires, il est vrai, mais que ne dédaignera ni en France ni même à l’étranger le public d’élite soucieux de ces sortes de problèmes. Par ce temps fertile en congrès, comment un congrès ne s’est-il pas réuni pour un tel sujet ? C’est ici que les comparaisons seraient intéressantes et utiles. Comment enseigne-t-on l’histoire dans les diverses universités, en Allemagne, en Angleterre, en Italie ? Quels sont les divers programmes ? Quelle place chacun d’eux donne-t-il à l’histoire nationale en comparaison avec l’histoire étrangère ? Il y aurait certainement là matière à de curieuses enquêtes, fort instructives, de nature à détruire plus d’un préjugé, à faire s’abaisser plus d’une barrière. — Une simple étude comme celle qu’on voudrait esquisser ici, écrite avec la meilleure compétence sur quelque université du dehors, nous serait infiniment précieuse. Nous n’aurons, pour notre part, qu’à ajouter aux souvenirs de toute une carrière d’enseignement ceux d’un jury présidé pendant cinq années[1] ; nous n’aurons qu’à nous faire l’interprète exact de collègues choisis parmi les plus expérimentés et les plus dévoués. De tels jurys, à vrai dire, ont entre leurs mains la direction intellectuelle et morale de l’enseignement ; car, dans ces sortes de

  1. Voyez, au Journal officiel du 9 octobre dernier, un rapport étendu sur le concours, de 1880.