Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/628

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

délibération, elle renvoyait à l’assemblée législative la solution des problèmes soulevés par l’organisation judiciaire.

Dès que le ministère qui suivit les élections eut été constitué, le garde des sceaux, M. Odilon Barrot, chargea une commission extra-parlementaire composée des hommes les plus compétens de préparer un projet et un mois plus tard il était en mesure de le déposer sur le bureau de l’Assemblée. La plupart des dispositions votées par l’assemblée nationale s’y trouvaient reproduites : le personnel des cours et des tribunaux subissait une légère réduction, mais elle devait s’opérer par voie d’extinction ; les pouvoirs de la chambre d’accusation étaient confiés à la chambre correctionnelle ; les chefs de compagnie devaient puiser les candidats qu’ils présenteraient à la chancellerie sur une liste permanente composée chaque année mi-partie par la magistrature, mi-partie par le barreau ; la liste des candidats aux sièges de juges de paix devait être dressée par les conseils généraux ; le soin de prononcer l’admission à la retraite pour infirmités était dévolu à la juridiction immédiatement supérieure à celle du magistrat atteint ; les magistrats devaient s’abstenir dans les causes où plaideraient leurs parens en ligne directe ; après vingt ans de magistrature dans un même siège, hors Paris, les magistrats avaient droit à l’augmentation du dixième de leur traitement ; enfin, pour couronner toutes ces dispositions, le maintien intégral de la magistrature était décidé, et l’institution promise à tous dans les deux mois du vote de la loi.

La commission nommée par l’assemblée avait une telle hâte de voir cesser le provisoire et d’y substituer la garantie d’une inamovibilité réelle protégeant efficacement le magistrat institué qu’elle détacha du projet le titre premier, et le présenta d’urgence. Le projet fut voté le 8 août 1849 comme un acte de solennelle réparation par 419 voix contre 136.

Le surlendemain, un décret levait la suspension prononcée contre les magistrats inamovibles et leur ordonnait de reprendre leurs sièges, l’institution des cours et tribunaux était fixée à la rentrée de novembre, tous les chefs de cour étaient convoqués à Paris pour y prêter le serment professionnel et recevoir en quelque sorte l’investiture qu’ils reporteraient aux magistrats de leur ressort. Ainsi, vingt et un mois après la révolution de février, l’instabilité judiciaire, que ses partisans avaient voulu décréter, faisait place au rétablissement dans leurs charges de tous les magistrats suspendus, et le premier président Portails pouvait dire à la magistrature de France assemblée que ce grand acte de consolidation était destiné à avertir les magistrats qu’ils appartiennent à l’ordre social encore plus qu’à l’ordre politique.