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lieu avant le 1er janvier 1816. Ainsi, ni l’empereur, ni la restauration ne se résignaient à abandonner leurs droits en mettant le sceau à l’inamovibilité. Dans la nouvelle chambre des représentans, beaucoup de magistrats furent élus : à part quelques exceptions, les représentans sortis de la magistrature pour siéger à la chambre n’étaient ni des courtisans de l’empereur, ni de chauds partisans des Bourbons : ils n’avaient de passion profonde que pour le rétablissement d’une paix qui garantirait l’indépendance nationale et les institutions civiles de la France nouvelle.

Avec la fin du règne éphémère des cent-jours reparurent les projets de constitution. Celui de M. Lanjuinais reproduisait à l’égard du pouvoir judiciaire les formules de la charte, en n’y introduisant qu’une précaution relative à un délai de trois mois dans lequel devait être conférée aux magistrats cette inamovibilité qu’on avait pris l’habitude de promettre sans jamais la donner. Tel était sur ce point le sentiment public que, le 5 juillet, quand la chambre des représentans, alarmée du retour des Bourbons, voulant à tout prix prévenir les périls d’une restauration sans conditions, fit une sorte de déclaration des droits dans laquelle elle énumérait la suite des garanties qu’un prince, avant de monter sur le trône de France, devait, par un contrat solennel, jurer d’observer, elle inscrivait dans ce pacte constitutionnel le principe de l’inamovibilité des juges.

Ces projets ne laissèrent point de traces : quelques heures plus tard, Louis XVIII rentrait aux Tuileries. Il ne s’agissait plus désormais que de savoir si les Bourbons auraient tiré de l’étonnante aventure des cent-jours une leçon, ou s’ils montreraient la même incapacité de gouverner. Leurs premiers actes furent modérés. Dans le cabinet présidé par M. de Talleyrand, les sceaux étaient confiés à celui qui, de tous les hommes politiques d’alors, joignait en sa personne le plus de qualités diverses, au plus jeune des survivans de l’ancien parlement, au brillant conseiller d’état de l’empire, à M. Pasquier, qui, après s’être rallié à la première restauration, avait refusé de servir pendant les cent-jours et su résister à toutes les séductions de l’empereur. Par la modération de son esprit et le respect en quelque sorte héréditaire qu’il professait pour la justice, M. Pasquier était plus capable qu’aucun autre de conférer rapidement l’investiture qui devait être enfin le point de départ de l’inamovibilité en notre pays. Le 18 septembre, la cour de Paris fut instituée avec un certain éclat. Si la chute du ministère Talleyrand l’empêcha de continuer lui-même cette œuvre de reconstitution, M. Barbé-Marbois, son successeur dans le cabinet présidé par le duc de Richelieu, s’y voua en cherchant à atteindre le même but. Le tribunal de la Seine et la cour de Lyon reçurent