Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes idées que sur les bancs de l’opposition. Malgré cela, je viens aujourd’hui appuyer le gouvernement et combattre l’opposition. Je suis profondément monarchique… Quand je vois l’intérêt de la monarchie clair et distinct, j’y marche droit, quoi qu’il arrive… Mes amis et moi, quoique séparés, isolés les uns des autres, nous avons pensé de même. Nous nous sommes écrit les mêmes choses. Ces choses les voici : c’est que, quelle que fût la loi, pourvu qu’elle fût conforme à la charte, à son esprit, quelle que fût la loi, qu’elle fût d’accord ou non avec nos tendances personnelles et nos intérêts, nous la voterions sans modification, sans amendement, mais à une condition, c’est qu’elle fût conforme à la charte. Pourquoi une telle conduite ? Parce que pour les hommes qui font partie de l’opposition conservatrice, le premier soin, le premier devoir était, non pas de renverser les ministres, mais de consolider la monarchie. Nous n’avons pas hésité sur ce point… Pour moi, j’adhère à la charte de toute la puissance de mon esprit. Je crois que la royauté qu’elle a faite est la bonne royauté, la seule que le bon sens moderne pût conseiller, la seule qui satisfasse à tous les intérêts… » Et cette loi de régence, complément de la royauté éprouvée, M. Thiers la défendait avec une ingénieuse abondance de vues et une chaleur qui triomphaient des esprits incertains, qui touchaient le roi. Dans d’autres circonstances moins critiques, à tous les momens, il ne cessait de rappeler que, profondément attaché au gouvernement, il ne l’attaquait que « dans ceux de ses actes qui pourraient compromettre son existence même, dans ceux de ses serviteurs qui, en le servant selon ses goûts, ne le servaient pas suivant ses intérêts. » Ce qu’il poursuivait donc d’une opposition qui savait observer les trêves de deuil comme elle savait se tracer des limites, ce qu’il combattait uniquement, c’était un système ministériel, une politique à l’intérieur et l’extérieur.

Que reprochait-il au ministère du 29 octobre ? Il lui reprochait de « revenir en arrière » par ses tendances et ses alliances, de créer un gouvernement de parti et d’exclusion, de résister aux réformes les plus simples et de traiter en ennemies les oppositions les plus modérées, de chercher un appui dans une coalition d’intérêts satisfaits et d’instincts de réaction. Il lui reprochait de tout sacrifier à la nécessité d’avoir une majorité, et, pour maintenir cette majorité devenue un instrument de règne, de tout épuiser, de poussera bout les ressorts de l’administration, d’ériger en système « l’abus des influences. » Son grief surtout, c’était que, sous l’apparence d’une légalité respectée, avec les dehors de la régularité parlementaire, on glissait par degrés dans ce qui n’était plus qu’une vaine représentation du régime représentatif. M. Thiers ne méconnaissait point assurément le talent, le courage ou l’habileté