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M. Odilon Barrot, le vaincu de toutes les dates depuis 1830, et bien d’autres encore, M. Berryer, M. Garnier-Pagès, toujours prêts à s’associer, au nom de la légitimité et de la république, à une campagne d’agitation.

Était-ce, comme on le disait, une fronde turbulente, une « émeute parlementaire » préparée et organisée par des ambitions impatientes de reconquérir le pouvoir ? C’était dans tous les cas la crise prévue, logique et décisive de toute une situation. Déjà la session de 1837-1838 avait été marquée par des incidens singulièrement significatifs, où toutes les positions commençaient à se dessiner et où le ministère, en gardant encore la victoire matérielle du scrutin, épuisait son crédit. Pendant l’interrègne parlementaire de cet été de 1838, les préparatifs de guerre ne se dissimulaient plus, surtout au camp doctrinaire. Un des amis de M. Guizot, le plus vif, le plus décidé à la lutte, M. Duvergier de Hauranne, donnait le signal par un manifeste acéré sur les conditions du régime représentatif. Un autre brillant esprit, M. Charles de Rémusat, avec moins d’impétuosité, avec plus de ménagemens mondains, se prononçait aussi, et par ses relations d’amitié avec les chefs départis, avec M. Thiers comme avec M. Guizot, il pouvait être un intermédiaire utile. M. Guizot lui-même, sans sortir encore de sa retraite, se tenait prêt à soutenir ses amis. M, Thiers, qui était en voyage, cherchant aux Pyrénées le repos et la santé, en Italie les distractions des arts, suivait de loin un mouvement auquel il ne refusait pas son concours, et par M. Thiers on pouvait obtenir l’appui de ce qu’on appelait l’opposition dynastique, la gauche modérée, représentée par M. Barrot. Tout se disposait. A peine la session de 1838-1839 était-elle ouverte, la guerre faisait pour ainsi dire explosion ; elle éclatait dans la chambre des pairs elle-même par l’attitude et les discours de M. de Broglie, M. Cousin, M. Villemain, comme dans les premiers actes de la chambre des députés, où les chefs de la coalition, maîtres de la commission de l’adresse, prenaient hardiment l’initiative des hostilités. La lutte était engagée.

Assurément entre des hommes comme M. Guizot, M. Thiers M. Odilon Barrot, sans parler de M. Garnier-Pagès, M. Berryer, l’alliance ne pouvait être intime et complète. Ni les uns ni les autres n’entendaient désavouer leur passé, un passé de huit années où ils s’étaient souvent trouvés face à face. Ils oubliaient pour le moment ce qui les divisait ; ils ne songeaient qu’à ce qui pouvait les unir. On reprochait ensemble, dans une mesure un peu différente, au ministère une politique extérieure systématiquement effacée qui sacrifiait tout, qui « se retirait de toutes parts, » qui humiliait à la fois l’orgueil national et la révolution de juillet, qui avait découragé l’alliance libérale de l’Angleterre sans désarmer les défiances de