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joie aussi. Je vois que j’avais fait une bévue[1] et en même temps je suis fort heureux de savoir que le voyage de Iourii Fedorovitch peut être remis et que, par conséquent, vous ne m’abandonnerez ni l’un ni l’autre. Je reviens à l’instant de voir l’Empereur ; je lui ai simplement exposé la vérité, et, ainsi que je m’y attendais, il a accepté mes explications avec une parfaite bienveillance. Comme il avait déjà exprimé la dernière fois son désir d’avoir Samarine au comité et son regret de l’empêchement qui s’y opposait, je n’ai pas eu de difficultés à réparer ma faute. J’écris aujourd’hui même à Platonof[2] que l’Empereur nomme Samarine membre du comité ; je ne saurais vous dire combien je me sens heureux de remplir cet ordre.

« Je craignais beaucoup que d’inévitables corrections de détails n’altérassent l’économie de l’ensemble ; mais la part que vous allez prendre tous deux à ce travail diminue considérablement mon inquiétude. En vue des objections que l’on commence déjà à soulever, il faudrait que chacun de nous choisît la partie qu’il aura à défendre. Ainsi ne vous attardez pas. Je commence à avoir bon courage. Samedi, l’Empereur a réuni quelques-uns de nos hommes d’état et leur a fait part de l’approbation qu’il accordait au programme tracé dans nos considérans : l’opposition en est atterrée. Le prince Gortchakof seul a dit qu’il aurait des réserves à faire valoir. Il pourra bien, en effet, nous donner du fil à retordre, et nous aurons à lutter avec bien des préventions. Le„ prince Gagarine nous soutient très énergiquement, Tchefkine aussi. Le comte Panine était présent (au lieu du prince Dolgorouky, qui s’est récusé lui-même pour des raisons évidentes), et tout en conservant une légère teinte d’opposition, il a été on ne peut plus aimable et gracieux. En un mot, tout s’est bien passé. Il n’y a pas jusqu’à V. qui n’ait prodigué ses sourires, — tout en s’enveloppant d’un majestueux et imperturbable silence.

« Tous ces aimables dehors, vous le sentez bien, sont loin de m’aveugler. L’air est gros d’orages. Aussi, vous voyez si j’ai besoin de vous ! . Ne différez pas. Je vous attends avec la plus vive impatience et m’en remets à votre amitié.

« N. MILUTINE. »


Tcherkasski et Samarine se rendirent tous deux à l’appel de leur ami, auquel l’empereur, pour en relever sans doute l’autorité, venait de conférer le titre de secrétaire d’état. A l’inverse de Milutine,

  1. En ne faisant pas nommer Samarine du comité malgré ses projets de voyage.
  2. Ministre des affaires de Pologne.