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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre 1880.


Les choses vont étrangement en ce monde et surtout dans notre pays. Elles ont pour le moment cela de particulier que ce qu’il y a de sérieux n’exclut pas un certain comique et que le ridicule de certaines scènes, qui ne laisse pas d’éveiller quelque gaîté, ne suffit point à pallier ce qu’il y a de profondément inquiétant dans tout ce qui se passe. C’est par instans à la fois lisible et triste. Les affaires du monde, dit-on souvent pour se consoler, ont de tout temps marché ainsi, mêlant le plaisant au sévère. C’est possible ; il ne faudrait pourtant pas abuser du genre. La politique, on en conviendra, s’accommoderait de ne pas ressembler tour à tour à un mélodrame ou à un vaudeville, d’être tout simplement une œuvre de raison parlant à la raison. Cette œuvre de la raison calme, impartiale et libre, c’est malheureusement, à ce qu’il paraît, ce qu’il y a de plus difficile, et dans tous les cas ni les préliminaires de la session qui vient de s’ouvrir, ni les premiers actes parlementaires qui datent d’hier ne semblent, à coup sûr, rentrer dans ce programme d’une politique de bon sens dont la France serait vraisemblablement disposée à se contenter. Des agitations bravées sans nécessité et sans profit, des incidens presque burlesques de plus d’un genre traversant les situations les plus graves, des pouvoirs oscillant entre les violences et les faiblesses, des incohérences de parti, une crise ministérielle née de malentendus, dénouée ou conjurée par des explications qui n’expliquent rien, c’est en vérité pour le moment l’édifiant résumé de nos affaires. Et c’est ainsi qu’on travaille à la fondation d’un régime, — qui serait bien heureux, on l’avouera, s’il n’avait contre lui que ses adversaires.