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non pas pour mettre M. le ministre des beaux-arts et son sous-secrétaire d’état dans leur tort, ils y sont, et ce n’est pas d’hier, — mais pour nous égayer encore plus largement à leurs dépens. Au surplus, on connaît l’histoire : M. Déroulède l’a racontée lui-même vivement et spirituellement dans la courte préface qu’il a mise à son drame. Nous n’avons à nous occuper que du drame.

Son principal et mortel défaut, c’est d’être un drame philosophique, — mais un drame philosophique dont la thèse a visiblement précédé dans la conception du poète le choix de son intrigue, de ses personnages et de son milieu, car nous n’avons aucun préjugé de doctrine contre le drame philosophique. Au contraire, et nous croyons, à bonnes enseignes, qu’il n’est pas de drame durable qui ne contienne une leçon philosophique, allons plus loin et disons, qui ne renferme un sens métaphysique. Seulement, il ne faut pas mettre devant ce qui doit marcher derrière. Et l’œuvre sera certainement diffuse, embarrassée, difficile à suivre si c’est la thèse qui tient le premier plan, dans la pensée de l’auteur, et sous l’œil du spectateur.


Laissez un prêtre à Dieu pour qu’un Dieu reste à l’homme.


Toute la pensée du drame est dans ce vers de belle et fière allure. C’est autour de cette pensée que M. Déroulède a construit son intrigue. L’action se passe vers l’an 4003 avant Jésus-Christ, en Israël, sous les premiers juges. Pourquoi M. Déroulède a choisi cette date et ce cadre, c’est ce qu’on ne saurait dire. Objection de nulle valeur, si M. Déroulède, frappé d’une situation dramatique rencontrée au hasard d’une lecture de la Bible, n’avait rien voulu que mettre cette situation à la scène. Objection grave, dès qu’il s’agissait de trouver pour une thèse le milieu qui convient le mieux à son développement sous une forme dramatique. Et l’on ne voit pas de quoi. servent ici les Hébreux.

Quoi qu’il en soit, il souffle un veut de révolte parmi les tribus courbées sous la dure tyrannie du grand prêtre Sammgar. Le chef des conjurés est le prophète Hélias. Seul, il serait impuissant à renverser Sammgar, quand un secours inattendu lui vient de Misaël, fils de Sammgar. Misaël, enivré de l’amour d’une Moabite, qui joue dans le drame le rôle d’un principe de dissolution et de crime, a fui le temple et repoussé les supplications de sa mère. Il offre son concours à Hélias qui l’accepte. Hélias ne rêvait rien de plus que de séparer le pouvoir politique et religieux, réuni dans les mains du grand-prêtre : Misaël rêve la destruction, — à son profit, — de toute espèce de pouvoir politique et religieux. Il va sans dire que tous les conjurés applaudissent à ses déclamations et qu’il devient le maître et l’âme du complot, sur