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ne s’entend qu’à moitié sur le sens et la portée de : tragédie de collège.

La tragédie de collège, c’est donc d’abord un de ces thèmes généraux, vagues et banals sur lesquels, en rhétorique, nous avons tous brodé de plus ou moins élégantes amplifications : — l’honneur, la liberté, la patrie. On aura bien du malheur s’ils ne vous fournissent pas quelques vers, assez sonores, qui provoquent l’applaudissement du parterre :


Que d’un sublime élan, la France tout entière,
Se lève à notre appel et coure à la frontière !


Ou bien :


En avant ! — Mon cœur bat de crainte et d’espérance.
Vive la liberté ! Dieu délivre la France !

En second lieu, tous les menus détails qui peuvent servir, non pas à peindre, mais à costumer authentiquement les personnages, plus ou moins adroitement mis en œuvre. Ainsi, Mme Roland se piquait d’élégance. Elle dira donc :


……. en fait de mœurs républicaines,
Laissons la Béotie, amis ; soyons d’Athènes.


Louvet était le licencieux auteur de Faublas : il parlera donc de Phyllis, Néère et Lalagé, ou bien encore il interrompra, par une plaisanterie d’un goût douteux, la conversation de Barbaroux et de Charlotte Corday :


Mais nous troublons peut-être une douce entrevue !


Marat, du fond de son repaire, était un coquin très actif : on le verra donc en scène remettre des épreuves à un prote, des placards à un afficheur, des feuilles à des brocheuses, des lettres au citoyen Laurent Basse :


Pour la Commune ; — dis que j’attends la réponse ;
Pour la Convention ; — pour le club jacobin ;
Pour les cordeliers…


Voilà qui donne aussitôt une fière idée de l’activité de Marat. Il est bien entendu d’ailleurs qu’aucun de ces détails ne sert à quoi que ce soit. C’est une façon de dire : Je suis Mme Roland, ou bien : Je suis Marat.