Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/444

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marcher du pas le plus accéléré[1]. C’est pour cela que je vous ai parlé d’un mois de séjour. Du reste, nous on jugerons mieux sur place.

« La nécessité de procéder d’une manière dictatoriale (diktatorialnos) est également évidente. Par honneur, personne ici ne le met en doute.

« Pour les livres, je m’arrange le mieux possible. Quant aux traducteurs, j’en ai beaucoup en vue ; mais je n’en profiterai pas moins de vos indications, quoique je ne sache comment entrer en rapports avec K., que je ne connais pas personnellement.

« Ne faudrait-il pas donner à votre voyage une forme officielle quelconque (indépendamment du rapport verbal dont je vous ai parlé) ? Est-ce qu’à tous les sacrifices que vous faites déjà vous voulez encore ajouter toute la charge des dépenses matérielles ? Je suis honteux de vous parler de pareille chose, mais je n’aimerais pas vous imposer des frais inutiles. Indiquez-moi ce que je dois faire à cet égard[2]. »

………………………..

« P. S. — On nous promet de nous installer au château (à Varsovie) et de veiller de toute façon sur nous et notre sécurité. Je vous écris cela dans l’espoir de calmer les inquiétudes de votre mère. »

La coopération de Samarine n’était pas la seule consolation de Milutine. Il était en même temps assuré du concours du prince Tcherkasski, dont il avait également réclamé l’aide dès la première heure. Tcherkasski arrivait de la campagne à Moscou au moment où Samarine revenait dans cette ville après son entrevue avec Milutine à Saint-Pétersbourg. À peine eut-il appris la mission inattendue dont était chargé Nicolas Alexèiévitch et les transes de ce dernier, qu’avec sa décision habituelle il prit un parti soudain : sans balancer un instant, le prince quitta toutes ses affaires et se mit en route pour Pétersbourg. De la gare du chemin de fer Nicolas, il se fit immédiatement conduire chez Milutine et lui déclara qu’il était tout entier à sa disposition. On comprend la satisfaction de Nicolas Alexèiévitch, qui, non sans raison, considérait Tcherkasski comme un des hommes les mieux doués de l’empire. Le jour même, une dépêche était envoyée au souverain, à Livadia, et le lendemain, le chef de la IIIe section, prince Dolgorouki, répondait par le consentement de l’empereur à l’enrôlement du prince.

  1. Idti samym ouskorennym chagom.
  2. G. Samarine, qui avait personnellement de la fortune, refusa d’abord toute espèce d’indemnité. Ensuite, pour ne pas se distinguer des autres membres de la commission, il consentit à recevoir quelques centaines de roubles (900 roubles, si je suis bien informé) pour frais de voyage. Voilà les hommes dont on devait dire à Pétersbourg « qu’ils ruinaient les finances du royaume de Pologne. »