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à qui tournera le plus vite sa proue vers le port. Il est malheureux sèment trop tard ; peu de vaisseaux échappent par la fuite, les autres sont coulés ou mis hors de service ; les Macédoniens capturent une quinquérème et une quadrirème à l’entrée même du port.

Pour la première fois, depuis son départ d’Amphipolis, Alexandre se voit le maître incontesté de la mer. C’est une phase nouvelle dans sa fortune ; il n’en doit le bénéfice qu’à lui-même. Sans sa résolution, sans sa promptitude à voler au péril, les Tyriens reprenaient l’ascendant qu’ils avaient perdu. A dater de ce jour, la marine de Chypre, d’Arados, de Byblos et de Sidon ne doit plus s’appeler que la marine d’Alexandre. Je lui donne ce nom, et Néarque me justifiera.

Puisque la mer est fermée pour toujours aux Tyriens, on peut, sans plus tarder, faire approcher les machines des murs. A quelle partie des remparts va-t-on s’attaquer ? Discerner le point faible et frapper résolument à la clé de voûte, tout le succès d’un siège est là. La prise de Sébastopol cessa d’être douteuse, quand nous eûmes découvert que l’écroulement devait commencer par Malakof. Alexandre fait d’abord avancer ses béliers sur le môle ; la solidité des murailles lui montre bientôt que, de ce côté, ses machines demeureront, quoi qu’il fasse, impuissantes. Il se décide alors à faire assaillir par ses batteries flottantes la partie de la ville qui regarde Sidon. Là encore les béliers font peu de progrès. Restait le front de mer. Les Tyriens ne s’étaient jamais attendus à le voir battu par des machines ; ils ne l’avaient, en conséquence, couvert que par des murailles peu épaisses et peu élevées. Alexandre assemble un certain nombre de trières deux à deux et, sur la plateforme que portent ces pirogues doubles, semblables à l’appareil dont je rêve l’emploi, il établit des béliers et des tours. Du pan de mur s’écroule ; s’aidant des ponts volans que chaque navire a pris soin d’embarquer, les Macédoniens s’élancent sur la brèche. La lutte n’y tourne pas à leur avantage ; ce n’est point par cette ouverture étroite que les assiégeans réussiront à pénétrer dans la ville. A l’approche de la nuit, Alexandre fait sonner la retraite. On assure que, découragé, il songea un instant à lever le siège et à continuer sa marche vers l’Égypte. En s’attaquant à Tyr, il avait imprudemment joué le jeu de l’ennemi. Si Memnon eût vécu, le vainqueur d’Issus trouvait dans cette ville réduite au désespoir et qu’un secours maritime eût rendue imprenable, son Saint-Jean-d’Acre. Cesser de vaincre est déjà pour un conquérant un premier pas vers la défaite. Du moment qu’Alexandre avait annoncé à ses soldats qu’il entrerait dans Tyr, du moment qu’il avait mis par sa persistance même l’attention des peuples récemment soumis en éveil, il était indispensable que Tyr tombât. Alexandre refoula au fond de