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nous l’avons dit, est à 20 milles marins, sept lieues environ, de Tyr. Alexandre, en partant de Sidon, se forme sans plus tarder en ligne de bataille ; il se place à l’aile droite. — Les rois de Chypre et de Phénicie prennent également peste à cette aile ; un seul roi, Pnytagore, va se ranger à l’aile gauche, prêt à soutenir Cratère. Jusqu’ici Alexandre n’a combattu les flottes qui lui ont été opposées qu’avec sa cavalerie ; c’est avec sa cavalerie qu’à Milet il empêchait les Perses de prendre terre pour faire de l’eau, du bois, et qu’il les obligeait à se retirer, faute de vivres, à Samos. L’empereur Napoléon se servit avec un égal succès de son artillerie à cheval. On vit en 1805 le maréchal Davout appuyer de ses projectiles la flottille batave quand cette flottille, sortie de l’Escaut, doubla le cap Gris-Nez sous le feu de la croisière anglaise. Singulier combat, qui nous ramenait aux jours où Philotas chassait les vaisseaux perses du seul mouillage qui leur restât au pied du mont Mycale !

La cavalerie et l’artillerie à cheval sont les deux grandes ennemies des descentes ; les chemins de fer contribuent aussi à les rendre périlleuses ; si nous tentons jamais quelque débarquement, nous aurons soin de ne pas oublier les escortes. Verrons-nous alors les commandans d’armée s’embarquer à leur tour et venir à notre rencontre ? Ce n’est pas impossible : on sait que, devant Boulogne, l’empereur, accompagné de l’amiral Decrès, voulut voir de ses propres yeux de quelle façon ses chaloupes canonnières soutiendraient les volées des frégates anglaises. Son ardeur l’emporta si loin que le canot sur lequel il était monté faillit être coulé par le feu de bordée qui l’accueillit. Un empereur n’est pas à sa place dans ces escarmouches ; passe encore pour des généraux ! Mais si la grandeur de Napoléon ne l’attachait pas toujours au rivage, on peut dire qu’elle n’y a jamais enchaîné Alexandre. Ce qu’Alexandre avait interdit sous Milet à Parménion, il allait le tenter lui-même. Ajoutons que les circonstances étaient bien changées et que le résultat à obtenir en valait la peine.

Les Tyriens, rangés devant leurs ports, attendaient Alexandre. Leur première pensée avait été d’accepter le combat ; ils ne soupçonnaient pas que le roi de Macédoine pût amener de Sidon autant de vaisseaux. Le vaste développement de la flotte ennemie a soudain glacé leur courage. Les Macédoniens cependant ne s’avancent pas avec l’impétuosité de gens sûrs du succès et qui jugent inutile de se prémunir contre une résistance sérieuse ; ils ont suspendu la marche de leur flotte, comme à Issus, ils ralentirent le pas de la phalange. Alexandre, avant de se précipiter sur les vaisseaux qu’il a devant lui, rectifie sa ligne, où la confusion s’est glissée pendant