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taxes supérieures à 20 pour 100 de la valeur. Cette disposition reproduisait, en d’autres termes, la pensée d’un article du projet primitif, présenté par M. Teisserenc de Bort. Elle était d’une application très difficile, elle aurait ouvert la porte à des réclamations incessantes, et elle aurait pu donner lieu à de graves conflits internationaux. Le ministre du commerce, M. Tirard, refusa nettement cette obligation d’exercer un contrôle sur les tarifs des pays étrangers ainsi que la faculté, pour le gouvernement, de relever dans certains cas et contre des provenances déterminées, le tarif français, et la majorité lui donna pleinement raison, malgré les efforts contraires du président de la commission.

Ainsi se termina cette longue discussion, qui aboutit à un tarif « fait de pièces et de morceaux, » selon l’expression de l’un des orateurs, à une loi indécise qui, tout en repoussant les retours offensifs de l’ancien régime, a prononcé l’ajournement des réformes nouvelles que souhaitaient les partisans de la liberté des échanges. On a dû remarquer, cependant, qu’après une première période d’hésitation, la chambre des députés aurait cédé volontiers à l’inspiration des doctrines libérales. Il lui a manqué, dans le gouvernement, un Robert Peel ou un Cavour. Sachons-lui gré d’avoir résisté aux sollicitations du parti rétrograde. Il y a là une manifestation dont le sénat ne saurait manquer de tenir compte dans le débat qui va s’ouvrir. Le sénat est averti que, s’il veut amender le projet de loi, il n’obtiendra que pour des abaissemens de taxes le concours du gouvernement et l’assentiment de la chambre, de nouveau consultée.


II

Le premier tarif qui sera examiné par le sénat, ce sera, comme à la chambre des députés, le tarif des produits agricoles, et la commission doit, assure-t-on, proposer des augmentations des droits sur les céréales, sur les bestiaux et sur les viandes. On invoquera l’état de crise dans lequel se trouve l’agriculture, les pertes subies par la propriété foncière, l’afflux croissant des importations de l’étranger et la nécessité de défendre le sol national contre des concurrens qui n’ont pas à supporter les mêmes charges ; c’est la théorie des droits compensateurs, euphémisme sous lequel se déguise adroitement la doctrine de la protection en matière agricole.

Il est impossible de contester les souffrances de l’agriculture. A la suite d’une série de mauvaises récoltes, la valeur des produits a cessé de couvrir les frais de production. Les terres sont dépréciées. Les fermages stipulés dans les baux qui remontent à plusieurs années ne se paient plus, et les baux qui arrivent à terme ne