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défenseurs de la liberté des échanges, soit par les champions de la protection. Serait-ce qu’après une si longue période de contradictions et de luttes, l’opinion publique est encore incertaine et réclame un supplément de lumières ? L’expérience qui date des réformes de 1860 paraît-elle incomplète ? Les protectionnistes ont-ils espéré que la crise passagère dont souffre l’agriculture faciliterait leur retour offensif, ou que le gouvernement républicain serait disposé à détruire ce qui a été fait sous le régime impérial ? Quels que soient les motifs, la discussion, que l’on pouvait croire terminée, recommence comme au premier jour, en attendant la décision du sénat.

La majorité de cette assemblée inclinerait, dit-on, vers les doctrines protectionnistes, et si elle doit modifier le tarif adopté par la chambre des députés, elle se prononcerait pour l’augmentation de certaines catégories de taxes. La composition de la commission et ce que l’on connaît de ses votes préparatoires encouragent cette supposition. Il n’est donc pas inutile de résumer, à la dernière heure, l’état de la question et d’examiner brièvement, non plus les argumens de doctrine qui sont depuis longtemps connus et qui se refusent à toute transaction, mais les argumens de fait et d’opportunité qui paraissent devoir influer le plus sérieusement sur la délibération parlementaire.


I

Il convient de rappeler les circonstances qui ont précédé la rédaction du nouveau tarif. Lorsque l’assemblée nationale autorisa, en 1872, le gouvernement à dénoncer successivement les traités de commerce afin de recouvrer sa liberté d’action pour la révision complète de la législation douanière, il fut entendu que le tarif conventionnel, appliqué depuis vingt ans à nos relations d’échange avec les principaux pays servirait de modèle au tarif général, quant au degré de protection qu’il paraissait encore nécessaire d’accorder à l’agriculture et à l’industrie. On prévoyait seulement qu’il y aurait lieu d’amender certains détails secondaires et de tenir compte du surcroît de frais dont l’industrie devait être grevée par l’impôt, alors projeté, sur les matières premières. Peut-être M. Thiers et les adversaires obstinés de la réforme espéraient-ils que la révision du tarif, rendue nécessaire par l’aggravation du régime fiscal, leur ouvrirait plus facilement les voies pour la restauration du régime protectionniste et leur fournirait l’occasion d’une revanche. La tactique ne manquait pas d’habileté ; mais il est certain que là majorité de l’assemblée nationale, en se résignant comme contrainte et forcée à la dénonciation des traités et à l’étude d’un