Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes de pied espagnols et flamands ; la seconde de quatre régimens français d’hommes de pied. Le duc d’Anjou était entre les cavaliers du margrave de Bade et les Suisses de Pfyffer, flanqués de deux régimens d’arquebusiers et de la cavalerie du maréchal de Cossé. Au moment critique, le duc d’Anjou se jeta dans la mêlée avec le margrave de Bade, qui fut tué à ses côtés ; à ce moment, Tavannes fit avancer le régiment Pfyffer au pas de course et fit charger la cavalerie royale pour dégager le duc d’Anjou : quinze cents cavaliers vinrent charger les Suisses en flanc pendant qu’ils couraient en avant. Mais ils ne purent entamer la phalange, même en marche, et s’en retournèrent « en faisant leur limaçon accoutumé. » Le régiment suisse tomba sur un régiment d’arquebusiers français de deux mille hommes, abandonné de sa cavalerie, et le mit en pièces. Pendant ce temps, le régiment Cléry luttait contre ce qui restait de la cavalerie huguenote, rompue par le duc d’Anjou. La bataille fut singulièrement courte et cependant très meurtrière, car tout le monde avait donné ; les pertes des huguenots s’élevèrent à dix mille, quelques-uns disent même quatorze mille tués et prisonniers ; celles des royaux furent très faibles. Les Suisses ne donnèrent point de quartier à Moncontour et tournèrent surtout leur furie sur les lansquenets allemands ; le régiment Cléry fut seul engagé avec ces derniers ; Pfyffer n’eut affaire qu’aux reitres allemands et à l’infanterie française. « Il ne faut pas oublier, dit M. de Segesser, que la coutume du temps était de ne faire prisonniers que ceux qui pouvaient payer rançon et qu’on ne pouvait laisser la vie sauve à l’ennemi que sur ordre supérieur. » Le duc d’Anjou fit grâce à ce qui restait des lansquenets et à mille arquebusiers français, qui mirent bas les armes après le combat. Cléry mourut le 19 octobre ; Pfyffer alla en Suisse immédiatement après la bataille et ne prit point de part aux opérations qui la suivirent, notamment au siège de Saint-Jean-d’Angely, pendant lequel les Suisses eurent à repousser une sortie. « Comme, dit La Noue, l’assiègement de Poitiers fut le commencement du malheur des huguenots, aussi fut celui de Saint-Jean-d’Angely l’arrest de la bonne fortune des catholiques. Et s’ils ne se fussent amusez là et eussent poursuivi le reliques de l’armée rompue, elles eussent été du tout anéanties. »

Les deux régimens suisses furent ramenés aux environs de Tours, mais le duc d’Anjou ayant quitté l’armée, ils refusèrent de servir plus longtemps. On ne leur donnait point d’argent, et ils réclamaient en vain leur solde de bataille. On se décida à les licencier, et le 19 mars 1570 ils étaient à Dijon, en route pour la Suisse.


AUGUSTE LAUGEL.