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passer sans obstacle, du bassin de la Saône dans celui de la Loire et franchir ce fleuve à la Charité et à Pouilly.

Coligny pouvait reprendre la campagne : il fit sortir son armée des forteresses et s’unit, le 12 juin, aux Allemands sur la Vienne, près de Limoges. Le duc des Deux-Ponts, qui avait dû être transporté pendant la marche de son armée, était mort la veille et le commandement des Allemands avait été pris par le comte de Mansfeld (les Allemands n’avaient pas voulu reconnaître le prince d’Orange pour chef). Le colonel Pfyffer se lamente dans ses lettres sur les fautes de l’armée royale de l’est, qui avait laissé les Allemands traverser toute la France sans obstacle et permis ainsi à Coligny de sortir des griffes de Tavannes, le conseiller militaire du duc d’Anjou. Le champ de bataille des deux partis se trouvait maintenant en Limousin, « pays de châtaignes et de montagnes, » pauvre et sans ressources. Les deux armées étaient à peu près d’égale force, car si Coligny avait les Allemands de Mansfeld, l’armée de Tavannes avait été renforcée de celle du duc d’Aumale. Un combat eut lieu le 25 juin, à Roche-Abeille (près de Saint-Yrieix. « Ç’a été un jour sauvage, écrit Pfyffer, avec pluie et brouillard. » Il se plaint que la nature boisée du terrain ait empêché ses hommes de bien travailler, comme ils en avaient envie. L’amiral réussit à surprendre à l’aube l’avant-garde des royaux ; Strozzl, qui commandait l’infanterie, se porta à l’aide de l’avant-garde avec les hommes de pied, mais n’ayant point de cavalerie, attaqué par des forces supérieures, il fut repoussé et fait prisonnier ; ses troupes se replièrent sur les Suisses et ne se reformèrent qu’à l’abri de leur phalange. La pluie tombait à torrens, et l’amiral ne continua point la lutte. Ne pouvant plus vivre en Limousin, il passa avec le gros des siens dans le Périgord, où il entreprit divers sièges.

Les Suisses prirent le chemin de la Touraine ; Pfyffer tomba malade en route, mais nous le retrouvons le 1er septembre au camp de Courcey, près de Tours. Les maladies causaient de grands ravages dans les deux armées : les Allemands mouraient en grand nombre, les Suisses du régiment Cléry étaient décimés. Coligny avait fini par porter tous ses efforts contre Poitiers, où s’était jeté le jeune duc de Guise, âgé seulement de dix-huit ans. Le siège avait déjà duré six semaines, quand le duc d’Anjou résolut de quitter son camp près de Tours et d’aller au secours de Poitiers. Il se mit en route avec environ trente-deux mille hommes (douze mille hommes de pied, quatre mille cinq cents cavaliers noirs, trois mille Italiens, quatre mille deux cents chevaux français, huit mille Suisses). Il alla mettre le siège devant Châtellerault, où Coligny avait envoyé ses malades. En apprenant cette nouvelle, l’amiral leva le siège de Poitiers et marcha sur Châtellerault. Guise, qui avait montré