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qu’après que le colonel des Suisses eut demandé à parler au roi et lui eut dit qu’il se faisait fort de le ramener à Paris avec ses piques. Les relations des officiers suisses ne mentionnent point cet épisode dramatique ; il est à croire cependant que l’on prit l’avis de Pfyffer avant de se résoudre au départ. Laissant dix enseignes, la moitié du régiment, à Meaux pour couvrir la retraite, le colonel partit à minuit, dans la nuit du 27 au 28 septembre, avec les dix autres enseignes et avec la cour ; à une petite distance de la ville, il rangea la phalange en bataille et se mit en route vers l’aube. À ce moment, les dix autres enseignes quittèrent la ville ; elles le joignirent, et se mirent aussi en ordre de bataille. Le régiment formait ainsi pendant la marche deux grands rectangles, comme à Dreux. L’es seigneurs catholiques, à cheval, entouraient le roi. On avait déjà fait la moitié du chemin, quand on aperçut un gros de neuf cents ou mille cavaliers huguenots dans le vallon où sont Lagny et Chelles. Condé et d’Andelot, suivant les rapports suisses, avaient environ deux mille chevaux ; les écrivains protestans ne parlent que de cinq cents hommes. Pfyffer fit arrêter les Suisses ; il mit le roi et la famille royale au centre d’une phalange unique et plaça les arquebusiers aux sommets du grand rectangle. Les Suisses mirent genou en terre et firent leur prière pour se préparer au combat. Ils voulaient marcher à l’ennemi, mais Pfyffer donna l’ordre d’attendre l’attaque et fit défense aux arquebusiers de tirer avant d’être très sûrs de leur coup. Cette prudence n’était pas dans les habitudes des Suisses, qui, une fois formés en phalange, marchaient toujours en avant, soit contre l’infanterie, soit contre la cavalerie ; mais le connétable avait un dépôt qu’il ne voulait pas exposer inutilement aux risques d’un combat. La fière mine et le grand nombre des Suisses en imposèrent peut-être moins à la brave cavalerie huguenote que la présence du jeune roi ; ils se contentèrent de tourner autour de la phalange, qui se remit bientôt en marche. A Lagny, on crut un moment à une attaque, au passage d’un ruisseau, mais les arquebusiers couvrirent les Suisses pendant le passage ; aussitôt après, le roi, la reine, le frère au roi, sa sœur, Madame Marguerite, le duc de Bouillon, encore enfant, les dames et les seigneurs de la cour prirent, le chemin le plus court pour aller à cheval à Paris. Le connétable et les Suisses les couvrirent et leur donnèrent le temps de prendre de l’avance ; le soir, ils firent une halte au Bourget, et, à une heure du matin, ils firent leur entrée dans Paris. Les escadrons huguenots n’avaient fait qu’insulter l’escorte du roi, sans en venir véritablement aux prises, et Charles IX n’oublia jamais cette journée où on l’avait fait marcher plus vite que le pas.

La retraite de Meaux donna un grand renom aux Suisses et leur