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vite qu’on aurait besoin de ses services contre les huguenots. Les Suisses furent dirigés sur Chaumont, ils passèrent par Beaune, Nuits, Is-sur-Lisle près de Dijon et Longeau. Ils reçurent à ce moment l’ordre de se rapprocher du roi et d’aller à Château-Thierry. Ils arrivèrent dans cette ville le 19 septembre.

La cour était à Monceaux, inquiète des mouvemens des huguenots. Condé, Coligny, d’Andelot avaient été mandés, mais n’avaient pas reparu à la cour. La marche des Suisses précipita leurs résolutions. Le plus profond secret couvrait encore leurs desseins ; tous trois étaient dans leurs terres, et la reine mère ne voulait pas encore croire à une prise d’armes ; les conjurés avaient résolu de réunir secrètement leurs forces, de se jeter entre la cour et les Suisses, de livrer bataille s’il le fallait à ces derniers, de s’emparer du jeune roi et de chasser les Guises. Rozay-en-Brie était le lieu du rendez-vous. Aux premières nouvelles du rassemblement de Rozay, le roi et la reine mère quittèrent Monceaux et se rendirent à Meaux, ils appelèrent les Suisses et envoyèrent François de Montmorency, le fils du connétable, auprès des huguenots pour les amuser de quelque négociation.

Le 25 septembre, entre 9 et 10 heures du, soir, le colonel Pfyffer reçut une lettre où on lui enjoignait de se rendre rapidement à Meaux avec toutes ses forces. Les Suisses partirent le même soir à minuit. Ils arrivèrent à Meaux le lendemain dans la matinée, et la rapidité de cette marche, faite en moins de douze heures, déjoua les projets des huguenots. Comme une partie de la bourgeoisie de Meaux avait adopté la nouvelle foi, dix enseignes prirent la garde de la ville et des postes, le colonel lui-même fit la garde avec son enseigne auprès du roi pendant la nuit du 26 au 27 ; les dix autres enseignes campèrent dans un faubourg. On répète généralement, d’après de Thou et La Popelinière, que les Suisses ne restèrent que trois heures à Meaux ; ils y passèrent deux jours.

Le connétable et le chancelier de l’Hospital étaient d’avis que le roi s’enfermât à Meaux, sous la garde des Suisses ; ils craignaient de le livrer au hasard d’un combat, on n’avait point de cavalerie et la marche sur Paris leur semblait, dans ces conditions, trop hasardeuse. « M. de Nemours débatit fort et ferme qu’il faloit gagner Paris, pour beaucoup de raisons — et pour ce il fut crû, disant que sur la vie il mèneroit le roy sain et sauf dans Paris. » (La Popelinière.) Tous les Guises s’étaient retirés de la cour, pour ôter à ceux de la religion le prétexte de se servir de leur nom et de représenter le roi comme leur prisonnier. La marche sur Paris ne fut donc pas décidée sur leur conseil, mais uniquement sur le conseil du duc de Nemours. Davila raconte que le connétable ne se résolut au départ