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hommes environ, « qui est plus pour la recoignoissance du bon et fidelle service que nous avons receu d’eulx et pour le témoignage de la seureté et fiance, que nous avons en leur fidélité, que pour besoing que nous en ayons. »


II

Le traité d’union qui avait été conclu entre le roi de France et les cantons (à l’exclusion de Zurich et Berne) expirait en 1564 et fut renouvelé dans cette année ; les négociations ne laissèrent pas que d’être assez difficiles, à cause des engagemens des cantons avec l’Espagne, avec la Savoie et avec le saint-père, qui faisaient, si le mot était permis, une sorte de concurrence à la France pour avoir des hommes de pied bien organisés. La France toutefois avait quelques avantages dans les cantons ; outre que les Suisses étaient attachés à la couronne française par des services déjà anciens, la diplomatie française pouvait toujours obtenir beaucoup des cantons catholiques en les menaçant de favoriser les cantons protestans : quand les cantons catholiques faisaient mine de trop se jeter du côté de l’Espagne, la France appuyait quelques prétentions de Zurich et de Berne. Les divisions religieuses de la Suisse servaient ainsi notre politique et nous ménageaient les moyens d’assurer et d’étendre notre influence. Le 19 décembre 1566, l’envoyé français, M. de Bellièvre, demanda aux cantons une levée de six mille hommes. Veut-on savoir quels prétextes il invoquait ? Il parlait « des grandes et puissantes armées qui se dressent tant par mer ? que par terre, non-seulement en païs et royaumes qui sont proches à ceux du roi très chrétien, mais aussi en toutes les provinces et dominations du Turcq. » Il n’est question, dans la dépêche, que des intérêts de la chrétienté : ce qu’on voulait en réalité, c’était se préparer à une nouvelle guerre religieuse ; la lutte était, en effet, imminente. Après la mort du duc de Guise, la paix avait été bâclée à Amboise ; mais, malgré l’entreprise patriotique de la reprise du Havre, la paix n’était pas rentrée dans les cœurs, et l’on s’adressait toujours à la « belliqueuse nation » quand on sentait venir l’heure de nouveaux périls. Coligny aurait voulu tourner sur l’Espagne les armes de la France, pour empêcher le retour de la guerre civile ; mais Catherine de Médicis penchait pour l’Espagne et redoutait l’amitié de la reine Elisabeth : elle se laissa conduire par les Guises à Bayonne (juin 1565) et conféra avec le duc d’Albe ; Le bruit se répandit dans toutes les églises protestantes que la reine de France et renvoyé du roi d’Espagne avaient préparé dans cette entrevue la complète extermination de tous les hérétiques. La reine caressait